Claude Debussy

Pelléas et Mélisande

opéra, 1902

extrait interprété par Mary Garden (acte III, scène 1 : Mes longs cheveux), 1904

La pièce du poète gantois Maurice Maeterlinck (1862-1949), Pelléas et Mélisande (1892), doit sa célébrité à l'opéra en cinq actes et dix-neuf tableaux de Claude Debussy (1862-1918). La présentation en avril 1902 fut très chahutée car les spectateurs furent choqués par les choix musicaux du compositeur. Mais les contemporains ont reconnu rapidement un chef-d'œuvre de la musique française.

La chevelure féminine trouve une place centrale dans l'opéra de Debussy. Séduisant appât, elle caractérise l'énigmatique Mélisande, mariée à Golaud et bientôt liée à Pelléas par un amour à l'issue fatale.

Mouvante et insaisissable, la longue chevelure attire irrésistiblement Pelléas. Au début de l'acte III, un duo d'amour, dont les changements de rythme orchestraux traduisent la passion croissante (1), révèle l'érotisme de ces cheveux d'or. À la nuit tombée, la jeune femme, en haut d'une tour du château, entame une complainte tout en coiffant ses cheveux défaits. Guidé au pied de la tour autant par la clarté de la chevelure que par ce chant de sirène, Pelléas célèbre alors la beauté de Mélisande. Libérées et animées d'un mouvement autonome, les longues mèches de la belle tombent en cascade jusqu'à lui. Il se plonge alors avec extase dans cette chevelure liquide, intarissable source de volupté : "Je n'ai jamais vu de cheveux comme les tiens, Mélisande !... Vois, vois, vois, ils viennent de si haut qu'ils m'inondent encore jusqu'aux genoux... Et ils sont doux, ils sont doux comme s'ils tombaient du ciel !..." Tout au long de ce chant d'amour, Mélisande, qui se refuse si souvent au contact, offre son abondante toison à l'étreinte de son bien-aimé, métaphore à peine voilée d'une union plus charnelle et lien indéfectible entre les deux amants que seul Golaud pourra rompre tragiquement.

Comme sortie d'un conte, la chevelure de Mélisande reflète l'image "fin de siècle" de la femme séductrice et fatale qui attache les hommes à ses longues boucles blondes.

(1) Susan Lee Fogel, "L'Originalité de Pelléas et Mélisande" in L'Avant-scène Opéra n° 9, Pelléas et Mélisande, Paris, mars-avril 1977, p. 89.

Pelleas and Melisande
Edmund Blair Leighton - Pelleas and Melisande - 1910
Rapunzel
Frank Cadogan Cowper - Rapunzel - 1900
Du haut d'une tour
Un lien amoureux
Plongée dans l'univers féminin