Guy de Maupassant

La Chevelure

nouvelle, 1884

Guy de Maupassant (1850-1893) écrit la majeure partie de ses œuvres entre 1880 et 1890, avant de sombrer peu à peu dans la folie et de mourir encore jeune. C'est un homme de santé fragile et inquiet qui enchaîne les écrits fantastiques, tous inspirés de thèmes pessimistes répétés tels que l'amour malheureux, le désespoir, la dépression, la folie. La Chevelure (nouvelle publiée dans la revue Gil Blas du 13 mai 1884) n'y échappe pas : il y met en scène un héros dévoré par son obsession jusqu'à devenir paranoïaque et espérer la mort.

Un jeune homme, étranger aux ardeurs de l'amour, affiche une passion singulière pour les antiquités. Meubles et bijoux d'époque font naître chez lui le fantasme d'un temps passé, riche de promesses et de délices. Un jour, dans le double fond d'un tiroir, il découvre une "merveilleuse chevelure de femme", attirante et fascinante. La natte blonde, nouée d'une corde d'or, s'anime peu à peu entre ses doigts, devient liquide, animale, brûlante, éminemment charnelle. Véritable fétiche, investie des qualités érotiques de sa défunte propriétaire, elle obsède le héros, qui en perd le sommeil et ses esprits. Jusqu'au soir où la belle se manifeste et s'offre aux caresses de l'insomniaque.

L'étreinte glaciale et vampirique de ce spectre sensuel rappelle que la chevelure mouvante n'est qu'une relique mortifère. Épris d'une morte, le héros sombre peu à peu dans une folie à la hauteur de son attachement nécrophile et termine sa course mélancolique entre les murs d'une cellule, littéralement exsangue.

La mèche de cheveux éternelle et sacrée, seule capable de survivre au tombeau, de traverser le temps et l'espace, affirme ainsi sa capacité à réveiller fantasmes et fantômes. Sous la plume de Maupassant, Rodenbach (Bruges-la-Morte) ou Gautier (La Toison d'or), jusque devant la caméra d'Alfred Hitchcock (Vertigo), ce motif fascinant ne cesse de révéler ses nuances hautement fantastiques, aussi voluptueuses que macabres. L'atmosphère de la nouvelle a également séduit l'écrivain de cinéma et réalisateur Ado Kyrou (1923-1985), proche du surréalisme. Il tourne le court métrage La Chevelure en 1959 avec Michel Piccoli.

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La Chevelure
Ado Kyrou - La Chevelure - 1960
La Chevelure
Ado Kyrou - La Chevelure - 1960
La Chevelure
Ado Kyrou - La Chevelure - 1960
Chevelure fantôme