Andy Warhol (1928-1987), figure centrale du Pop Art, utilise et recycle l'imagerie populaire véhiculée par les médias, la publicité, la société de consommation. Le portrait occupe une place dominante dans l'œuvre de l'artiste américain, qui l'exécute sur commande dès le début des années 1970. En 1985, Warhol rencontre l'actrice Lana Turner (1921-1995) sur un tournage et immortalise la coiffure de cette icône blonde du cinéma américain. L'artiste lui avait déjà rendu hommage dans ses films More Milk, Yvette en 1965 ou Women in Revolt en 1971.
Si le peintre se plaint d'abord d'avoir à "transformer cette femme de soixante ans en fille de vingt-cinq"
(1), il réussit pourtant à redonner l'éclat de son âge d'or hollywoodien à la blonde fatale du Facteur sonne toujours deux fois (1946). La sérigraphie en noir et blanc, réalisée à partir d'une photographie, efface en partie le visage pour en garder les traits principaux, à la façon d'un masque. Warhol appose sa palette de couleurs pop et artificielles sur l'image en noir et blanc comme une pellicule. Ainsi, le visage cadré en gros plan, véritable apparition diaphane, est couvert d'un voile rose contrastant avec le fond obscur. La chevelure est teintée en rose orangé, ce qui donne au modèle un air surnaturel voire une aura mythique. La bouche, rehaussée d'un rouge profond, ainsi que les boucles d'oreilles ajoutent au glamour du portrait.
Tourné vers le spectateur, le regard de Lana Turner instaure un face à face séducteur, mais la touche bleue qui le souligne rend l'actrice inatteignable. À la fois proche et lointaine, ainsi serait la star hollywoodienne, qui, avec Warhol, passe de la pellicule et du papier glacé des magazines à l'éternité de la peinture.
Si, en son temps, Salvador Dalí avait changé Mae West et ses boucles blondes en objet surréaliste, Andy Warhol et les artistes du Pop Art ou du Nouveau Réalisme s'emparent de l'imagerie d'Hollywood pour en subvertir les codes ou, au contraire, pour consacrer ses actrices et les élever au rang d'idoles du XXe siècle.
(1) Andy Warhol, Journal (Paris, Grasset, 1990), p. 634.