Alfred Hitchcock

Vertigo

1958

En 1957, Alfred Hitchcock (1899-1980) tourne son 49e film : Vertigo (Sueurs froides), inspiré du roman de Pierre Boileau et Thomas Narcejac D'entre les morts. Scottie Ferguson (James Stewart), ancien inspecteur, est chargé de surveiller l'élégante Madeleine (Kim Novak), qui s'identifierait à une ancêtre suicidée (Carlotta). Bientôt épris de cette blonde mystérieuse, Scottie ne peut l'empêcher de se tuer. Lorsqu'il rencontre la brune et banale Judy (Kim Novak également), c'est Madeleine qu'il cherche à faire revivre...

"Ce qui m'intéressait le plus était les efforts que faisait James Stewart pour recréer une femme à partir de l'image d'une morte", déclare Hitchcock à François Truffaut (1). Dans l'intrigue de Vertigo résonnent le mythe de Pygmalion, dont le désir donne naissance à la femme qu'il a sculptée, (2) et Bruges-la-Morte, œuvre dans laquelle Rodenbach dépeint la mélancolie d'un homme veuf qui sillonne la ville, obsédé par "ces cheveux d'un jaune fluide et textuel" (3).

Selon Alain Bergala, commissaire de l'exposition Brune/Blonde, Vertigo "est sans doute le plus beau monument de pellicule dédié à la chevelure féminine de l'histoire du cinéma" (4). Cette œuvre cristallise motifs et thématiques liés à la représentation artistique de la chevelure : le célèbre chignon en spirale de Kim Novak – qui entre ainsi dans la lignée des "blondes hitchcockiennes" - est à la fois fétichisé, érotisé et mortifère. Il laisse se dévoiler la nuque féminine, lors des scènes de filature, où "enquête et conquête se confondent" (5). La couleur de la chevelure féminine est, elle, le signe de l'identité, voire de la dualité féminine : brune et blonde constituent ici deux facettes d'une même femme.

Vertigo marquera l'imaginaire des cinéastes : Brian De Palma, Dario Argento, Chantal Akerman figurent parmi les héritiers de ce film fondateur du cinéma moderne.

(1) Hitchcock/Truffaut, édition définitive, Paris, Ramsay, 1985, p. 206.

(2) Mythe qui coïncide également avec la démarche du cinéaste, qui n'a cessé de "façonner" ses actrices féminines.

(3) Georges Rodenbach, Bruges-la-Morte, Bruxelles, Labor, 1986, p. 29.

(4) Alain Bergala, "Qu'est-ce qu'un grand cinéaste de la chevelure ?", dans le catalogue de l'exposition Brune/Blonde, p. 23.

(5) Barthélemy Amengual, "À propos de Vertigo ou Hitchcock contre Tristan", in Études cinématographiques, n° 84-87, p. 37.

Alfred Hitchcock, Pierre Boileau et Thomas Narcejac
Alfred Hitchcock, Pierre Boileau et Thomas Narcejac - s.d.
Pygmalion et Galatée
Jean-Léon Gérôme - Pygmalion et Galatée - c. 1890
La Captive
Chantal Akerman - La Captive - 1999
Enquête identitaire
Kim Novak
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