Catalogue des appareils cinématographiques de la Cinémathèque française et du CNC

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Caméra film 35 mm

N° Inventaire : AP-10-2520

Collection : La Cinémathèque française

Catégorie d'appareil : Prise de vues cinématographiques

Nom du modèle : Aaton 8 - 35

Numéro de fabrication : 35 / 24

Lieu de fabrication : Grenoble, France

Année de fabrication : 1977

Fiche détaillée

Type de l'appareil

entraînement du film 35 mm à une griffe latérale ; lame semi-transparente ; magasin débiteur et récepteur 60 m à deux débiteurs dentés ; viseur reflex ; poignée en métal et noyer avec interrupteur ; prise pour câble alimentation

Auteurs

Godard Jean-Luc
Grenoble

Beauviala Jean-Pierre
Paris

Fabricants

Aaton
Grenoble, 2 rue de la Paix

Jean-Pierre Beauviala
Grenoble, 2 rue du Président Carnot

Utilisateurs

Godard Jean-Luc
Grenoble

Beauviala Jean-Pierre
Paris

Distributeurs

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Sujet du modèle

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Objectif

Kinoptik Parisn° 56 072 Apochromat C 1/2,8 F : 32 mm

Taille de l'objet

Ouvert :
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Fermé :
Longueur : 36.5 cm
Largeur : 20.5 cm
Hauteur : 19.5 cm

Diamètre :
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Taille de la boîte de transport

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Remarques

Le magasin porte à l'intérieur cette inscription : "Jean-Luc Godard a pensé à vous. Et vous ?"

"Jean-Pierre Beauviala, Aaton, 2 rue Président Carnot, Grenoble. Le 5 février 1979. Pas plus grande que ça, la caméra, tu vois. On pourra la nommer la 35-8 ou la 8/35, et tu y mettrais tous les perfectionnements de l'Aaton 16. Il faut qu'au point de vue fixité, ça puisse marcher avec l'Arri BL, et je me demande si sans contre-griffe c'est possible. Dis à Lecoeur de ne pas oublier qu'il n'y a pas de raisons que, si le 35 est le double du 16, on ne rencontre pas le double de difficultés. N'oublie pas non plus que tu gagnes ta vie, et tes ouvriers la leur, grâce aux commandes de la BBC et de TF1, et que nous nous perdons la nôtre à cause de ces gens qui refusent nos films mais acceptent tes caméras. Si elle n'est pas très silencieuse, pour les vingt prochaines années, ça ne fait rien, on pourra enfin filmer ceux qui écoutent, et par conséquent faire un peu plus attention à ce qu'on dit. Avec le projecteur RCA 35, on pourra même enfin entrevoir l'instant fatal, celui que tu avais refusé de laisser filmer dans tes usines : où le patron et l'ouvrier s'accordent tant bien que mal à équilibrer la fatigue et les bénéfices. S'il y avait une revue de cinéma qui aimait son travail plutôt que de jouir des discours de spécialistes, je correspondrais bien, je veux dire volontiers, avec toi à travers elle" (J.L. Godard, Cahiers du cinéma, n° 300, mai 1979, p. 29).

"Tout commence vers 1976, avec le besoin qu'éprouve Godard, par rapport à ce qui l'intéresse de plus en plus de filmer, d'une petite caméra 35 mm qu'il pourrait mettre dans le vide-poche de sa voiture, avec laquelle il pourrait viser lui-même et être à l'affût du monde, d'une fleur dans un champ ou d'une conjonction de nuages dans le ciel (comme dans ce premier plan de Passion que Godard a filmé lui-même avec l'Aaton 35) [...]. Voilà comment Godard rêvait de cette caméra : "On est en Hollande, on passe dans la campagne, on voit un moulin dont les ailes s'arrêtent ; on prend la caméra dans le vide-poche de la voiture, on filme et on a une image en 35 mm, de la meilleure définition qui soit à l'heure actuelle pour le cinéma comme pour la télé. Ensuite ça peut me donner l'idée de Correspondant 17. Ou d'autre chose puisque j'aurais déjà une image et quand on a une image on fait autre chose. Et si Ingrid Bergman est là, je tourne avec Ingrid Bergman. Voilà : cette caméra était faite pour ça". [...] Godard passe donc commande à Beauviala de cette 8-35 dans la fabrication de laquelle il se voit au départ comme partenaire et associé. Il va investir une petite part du budget de ses trois derniers films (Sauve qui peut (la vie) ; Passion ; Prénom Carmen) dans cette commande sous la forme d'une location anticipée de matériel. Pâques 78 : Aaton se met au travail. Juin 79 : le prototype existe et William Lubtchansky fait les premiers essais dans une rue du XVIe arrondissement. C'est alors que tout se complique et que se nouent les premiers malentendus [...]. La caméra a évolué : ce n'est plus la 8-35 du début mais l'Aaton 35 : si elle reste toujours la plus petite et la plus légère des caméras 35 mm, et si sa ligne féline est tout à fait singulière, elle a pris un peu de volume par rapport à la première à cause d'un certain nombre de perfectionnements techniques (un miroir tournant au lieu d'une lame, des magasins de 120 m. au lieu de 60 m., etc.) qui visent à la rendre plus compétitive sur le marché mondial [...]. Jean-Pierre Beauviala : - La caméra 35-8 utilisée sur Sauve qui peut (la vie), il a fallu deux ans pour la faire. Elle coûtait 800 000 francs. La suivante, l'Aaton 35, au bout de trois ans on en est à 4 millions, et elle n'est pas encore finie. [...] Au début tu m'as dit : je veux une Bell et Howell mais simplement je voudrais que vous installiez un mloteur électrique et une batterie pour que ça tourne en son-synchrone. Et on a acheté une Eyemo 35. [...] Tu m'as dit tout de suite après : attention, l'Eyemo c'est quand même un truc dans lequel il n'y a pas un bon viseur, moi je veux un viseur. Ton grand leitmotiv c'était : je veux pouvoir cadrer moi-même. [...] Tu m'as dit très précisément : ce que je veux c'est pouvoir avoir une caméra la plus petite possible pour pouvoir faire, en somme, des sortes de stock-shots - il n'était pas à l'époque question de faire des films entiers avec ça - tu voulais faire des sortes de photos - constats de courtes durée sur les gens et les choses que tu rencontrais. [...] J'étais d'accord de dessiner une caméra qui comme l'Eyemo n'aurait au départ qu'une petite autonomie - l'Eyemo ça vait une minute et demie. On en a fait une qui avait 2 mn et des poussières. [...] C'est pour ça qu'on a fait une caméra qui était extrêmement petite, avec un petit magasin de 60 m., bien plus petite que celle qui est là sur la table. Parce qu'elle n'avait pas de grand miroir tournant ni de magasin de 120 m. Plus petite que l'Aaton 16 mm. [...] J'ai pris une équipe dans Aaton et j'ai dit aux mécaniciens, électroniciens et opticiens : "On va faire cette petite caméra là, toute petite et qui fait des petits bouts de films comme le demande Godard". Tu as payé 100 000 balles, et ça nous a coûté 700 000... mais je me disais que d'autres que toi amortiraient l'étude. C'est cette caméra qu'on voit sur les photos de tournage utilisée par Lubtchansky dans quelques plans de Sauve qui peut. [...] Tu as lâché complètement les rênes de l'objet que tu avais décidé avec moi ; tu devais t'en servir toi, tiré du siège arrière de ton vélo, ou de ton sac à poireaux. Au lieu de ça tu l'as laissé à Lubtchansky, puis à Pierre, Paul, Jacques, puis pour finir à Coutard. [...] J.L. Godard : - La première fois qu'on l'a utilisée sur Sauve qui peut, avant Sauve qui peut même, il y avait un viseur par lame semi-transparente, pas très bon parce qu'il coûtait moins cher et qu'il n'y avait pas d'argent - ni de ta part ni de la mienne - pour quelque chose qu'on ne connaissait pas très bien. Bon, on l'a expérimenté, on a dit : "On ne peut pas filmer", car je me souviens des premières lettres où je t'ai dit (elle est publiée dans les Cahiers) : je voudrais que, au moins, elle puisse faire une image que les professionnels ne puissent pas distinguer d'une image faite par une Arri BL. [...] Jean-Bernard Menoud : Moi je me rappelle des premiers essais qu'on avait faits sur Sauve qui peut : on avait filmé Dutronc devant une fenêtre. Godard : - Non, ça c'est huit mois après. Les premiers essais c'était à Rolle sur le quai, avec Lubtchansky. C'est une caméra où Lecoeur avait fait des moulures comme un ébéniste sous Louis XVI, que moi j'aimais beaucoup et je n'ai pas compris pourquoi elles avaient disparu après. Beauviala : - Si si, il reste des moulures, mais elles sont plutôt Directoire maintenant. [...] cette première caméra, la 35-8, n'existe plus, elle est arrêtée. Celle que j'ai faite maintenant n'a plus un seul principe identique : ni optique, ni mécanique, ni électronique. [...] la caméra que tu voulais au début existe toujours sous forme de proto et je la garde pour la Cinémathèque de Langlois. Elle est très proche de la caméra que tu désirais te mettre à l'oeil et que moi je trouvais bien pour mes propres raisons. Godard : - L'image était floue à cause de la lame. Beauviala : - Pas à cause de la lame, les caméras Imax à faute définition utilisent aussi ce principe pour leur visée réflexe, et les Mitchell BNC aussi. [...] J'ai choisi la lame reflex semi-transparente, ça permet de couvrir une plus grande image sans que la caméra devienne monstrueuse. La caméra qu'on t'a donnée, c'était le prototype : au lieu de jouer avec pour commencer, tu l'as mise sur Sauve qui peut, un film avec équipe technique et tout et tout, on n'avait pas eu le temps, et l'image sortie de cette caméra, dans des essais tr-s durs pour un prototype, n'avait, non pas le piqué, mais pas le contraste des caméras classiques [...]. Là où effectivement on a perdu l'un et l'autre le contrôle des opérations sur cette petite 8-35, à mon avis, c'est quand les opérateurs et les techniciens autour ont dit : "Il n'y a pas de miroir reflex tournant, cela ne peut pas marcher. On ne veut pas de ça !" Mais eux parlaient en réalisateur-cameramen-du-cinéma-standard-en-son-synchrone, et ce que nous avions en tête c'était : toi, une caméra de metteur en scène et moi, un enregistreur d'images surcadrées à bonnardiser. [...] Godard : Moi je ne sais pas comment s'inscrit l'image : miroir tournant, lame... C'est du chinois pour moi ! Mais on me dit que c'est à cause de la lame que l'image est diffuse... Beauviala : - Il n'y a pas de raison physique pour qu'une lame fasse des images moins contrastées... Il y a quinze lentilles dans un objectif, alors ce n'est pas parce qu'il y a une lame de plus... [...] Si nous avions l'un et l'autre, à l'époque, tenu haut la barre, c'est à dire voulu faire cette petite caméra, vraiment, parce que tu en sentais toujours la nécessité, si tu avais poussé pour cette petitesse-là, on aurait fait marcher la lame. Dans un instrument d'optique, ce n'est pas un problème. [...] Il y avait Chapuis, Berta, Lubtchansky. Il était clair que tu me les a amenés comme des gens en qui tu avais confiance ; et ils ont fait une pression phénoménale sur nous, en disant que cette lame c'était de la merde, et de leur point de vue à eux, réalisateurs-cameramen ils avaient raison, la lame est un truc qui a des défauts : c'est fragile et ça bouffe de la lumière au film ; moi j'ai tenu compte de leur demande, et des finances d'Aaton [...]. Tu les as laissé condamner cette caméra. Pauvre petite ! Tu sais très bien que ce projet, pour moi, c'était contribuer à un certain type de film, une certaine sorte d'images, ce n'était pas uniquement technique. [...] Je me souviens de l'image qui avait été faite avec ce premier prototype dans une rue du XVIe arrondissement. Il y a un grand panneau sens interdit et vraiment, il est difficile de voir la différence avec l'image faite à la BL. Godard : - Je l'ai revue, je l'ai toujours. C'était la toute première image et cette première image, c'est comme dans les films, on est tellement content de la voir qu'on y met beaucoup plus que ce qu'il y a dedans. Beauviala : - Elle était très belle ! [...] Godard : - Quand on t'a dit : ce système de lame n'est pas bon... tu ne nous a pas dit "refaites une semaine d'essais avec beaucoup d'autres images, et convainquez moi que c'est moins bon". Et en plus, il y avait un truc purement pratique qui faisait que chaque fois qu'on changeait d'objectif, on tordait la lame et on l'abîmait. En ce qui me concerne, je pense que cela a dû aggraver, bêtement, quelque chose qui n'appartenait pas seulement à la lame mais à sa fixation. Beauviala : - Ca c'est vrai, la fixation était mal foutue mais il y a autre chose, ce n'était plus ta caméra, dès lors qu'elle était mise dans d'autres mains. Souviens-toi : tu voulais que ce prototype soit le tien, tu voulais le bichonner et l'avoir avec toi partout. [...] Il se trouve que tu as mis ce nouveau-né dans les mains de gens qui n'ont pas des gestes de sage-femme. [...] Ta caméra, encore une fois, c'était un prototype à peine sec, d'un coup c'est devenu une caméra mise dans des mains qui avaient acquis des gestes différents. Godard : - ...Trop vite mise, je n'aurais pas dû la mettre sur des films tout de suite. C'est comme une fille qu'on aurait mise trop vite dans la rue. Beauviala : - Des gens sont intervenus sur nos cahiers des charges, notre petite 35-8 en est morte" (Cahiers du cinéma n° 348-349, juin-juillet 1983, repris in Alain Bergala, Jean-Luc Godard par Jean-Luc Godard, Paris, Cahiers du cinéma Editions de l'Etoile, 1998, p. 519-530).

"A la recherche d'une caméra qui fait des images ou d'une image qui fait des caméras, journal de l'Aaton 35 mm, tournage de Passion de J.L. Godard. [...] La caméra est allée à Zürich. André Simmen y a effectué un test de cadrage et des tests de définition filmés pour les 3 optiques Zeiss (le 35 mm, le 50 mm, le 85 mm) dont les résultats concordent avec ce que nous avions vu au collimateur à Grenoble, à savoir que le cadrage de la mise au point, est à quelques centièmes de mm près en moins du zéro [...]. Constaté sur le négatif, entre un arrêt et un départ de la caméra, une perte de 4 à 5 photogrammes filés. [...] 7 octobre 1981. Aujourd'hui André et moi faisons des tests de fixité pour chacun des deux magasins. La principale difficulté rencontrée et de repérer une image au départ du test. A cet effet, Jean-Pierre Beauviala nous avait donné le tuyau suivant : couper 4 perfos côté griffe de telle sorte qu'au deuxième défilement du même rouleau rembobiné, la griffe automatiquement positionne la pellicule au même endroit et les deux expositions se superposeront exactement. Ne pas oublier de couper ensuite le début du rouleau afin que l'entaille ne passe pas au développement. 8 octobre 1981. La caméra a fait tourner 4 rouleaux de 60 m, rien à signaler ! 10 octobre 1981. La caméra a fait tourner 5 rouleaux de 60 m. Une seule fois la griffe a refusé la perforation, mais la boucle n'était pas à la bonne longueur. La caméra a tourné 4 rouleaux de 60 m sans problème. Cependant j'ai pu remarquer que la boucle (d'environ 28 perforations à l'extérieur) dans sa partie supérieure à l'intérieur, si elle est trop courte, fait toucher la pellicule côté support sur la petite vis, ce qui engendre de la poussière qui se dépose à cet endroit [...]. 17 octobre 1981. Le déclencheur de la poignée ne fonctionne pas (non il fonctionne seulement lorsqu'il y a de la pellicule). Constaté : des différences dans l'équipement intérieur des deux magasins. 1 : l'intérieur des galets d'entraînement du magasin B n'est pas "carrossé". 2 : le matériau d'isolation phonique utilisé n'est pas le même. 3 : manque un capuchon de protection sur le moteur auxiliaire du magasin B. 12 octobre 1981. La caméra a tourné ses quatre rouleaux sans histoire. [...] 13 octobre 1981. La caméra a tourné ses 5 rouleaux aisément. R.A.S. J'ai fabriqué deux protège-boucle, pour les magasins, en bristol fort. 15 octobre 1981. Tourné 4 rouleaux sans problème. Il faudra faire des test de longueur et position de boucle et enregistrer le son pour entendre selon quelle longueur et quelle position de boucle on obtient le moins de bruit. 16 octobre 1981. Tourné 5 rouleaux. R.A.S. [...] 16 octobre 1981. La caméra a tourné 23 rouleaux. Si la caméra ne tourne pas, vérifier le presseur des galets d'entraînement. Ca m'est arrivé aujourd'hui. Le presseur côté récepteur conçoit la pellicule sur les dents. Le moteur s'est mis sous tension, mais lorsque j'ai voulu le faire tourner tout est resté bloqué. Constaté jusqu'alors aucune rayure sur la surface de l'émulsion. 19 octobre 1981. 1er rouleau OK. 2e rouleau départ OK. Mais lorsque je mettais la caméra sur l'épaule et fis quelques mouvements panoramiques verticaux, lorsque la position fut en forte plongée, le bruit du moteur changea et devint plus aigu. Ce bruit ne cessa plus lorsque je fais tourner les rouleaux 3 et 4. Au 5ème rouleau, le presseur de la boucle inférieure du magasin A, resté coincé (ouvert), a fait que la boucle s'est resserrée. Mais ceci est moins grave que le nouveau bruit apparu plus haut. Est-ce dû à la baisse de tension de la batterie où à un autre défaut de fonctionnement, je n'en sais encore rien. 21 octobre 1981. Après discussion avec Jean-Luc, interruption de cette expérience d'épuisement de batterie. Donc, on peut considérer que cette batterie Ciné 60 permet de tourner 47 rouleaux mais par sécurité disons 40. Je recharge la batterie. Téléphone à Grenoble avec M. Weulersse à ce sujet il pense que si la batterie est déchargée le voyant rouge doit clignoter. Vu les tests de fixité avec Hans et André. Le repérage de l'image qui aurait du nous permettre de superposer les deux mires, n'a pas fonctionné comme décrit en date du 7 octobre. Mais le test est à notre avis valable puisque le dessin de notre mire se croise en plusieurs endroits, et qu'il est possible d'apprécier en projection que la stabilité du défilement est bonne. Maintenant il faudrait pouvoir faire des images - puisque la technique ça a l'air d'aller - sauf le bruit plus aigu constaté le 19 octobre et qui n'a pas disparu depuis. 22 octobre 1981. La batterie ayant été rechargée cette nuit, la caméra a tourné quelques secondes "normalement", mais toujours avec ce bruit bizarre, et André a également constaté que ce n'est pas le ronron Aaton. Le bruit paraissait provenir de la boîte extérieure qui contient en réalité l'électronique. Nous avons ouvert la boîte et fixé avec du scotch deux prises "libres" (non connectées - question : à quoi servent-elles alors ? vidéo ? ou quoi d'autre?) pensant qu'elles pouvaient, lorsque le moteur tourne, transmettre des vibrations sur la carosserie. André a aussi isolé deux câbles dont la gaine était écrasée. Puis nous avons refermé la boîte. Lorsque nous avons à nouveau fait tourner la caméra, le bruit n'avait pas disparu. Nous avons arrêté le moteur et tout en manipulant la caméra, nous avons soudain nettement entendu qu'une "pièce" se déplaçait à l'intérieur de la partie moteur. Nous avons alors, dévissant les 6 vis de la base, eu accès à la partie inférieure du moteur - en inclinant précautionneusement la machine, nous avons à nouveau bien entendu quelque chose se déplacer à l'intérieur mais sans pouvoir déceler quoi que ce soit et rien non plus qui aurait pu se balader là-dedans n'est sorti. Décidé de stopper le démontage plus avant, vu que nous n'avons pas de schéma. Nous en aviserons Jean-Luc et Monsieur Weulersse demain matin. 21 h. D'autre part je me suis légèrement coupé la peau d'un doigt en manipulant le magasin A qui sur sa partie avant droite, autour du presse- film, est particulièrement tranchant et bizarrement entaillé. Manque à l'équipement : un déclencheur à distance (ok), un dispositif image par image, un zoom. 23 octobre 1981. A Grenoble au bureau d'étude Aaton avec Hans en compagnie de MM. Lecoeur, Weulersse, Leroux, Cremer, qui ont lu ce cahier et commencé à démonter la caméra - on se serait cru dans un box au bord d'un circuit d'essais de Formule 1. La cause de nos inquiétudes (quant au bruit bizarre) est vite apparue sous la forme d'un morceau de plomb gros comme une pièce de 5 centimes, qui se baladait près de la transmission d'entraînement des magasins, sous la boîte électronique. Soulagement de tous, sans pourtant que l'on s'explique la présence de ce corps étranger. Ce n'est que plus tard, lorsque devant la base du corps caméra démontée, que nous nous inquiétons du manque de protection à l'endroit du pas de vis de fixation de la caméra sur une tête, que M. Leroux se souvint avoir fixé à cet endroit la pièce de plomb maudite pour arrêter la pénétration de la vis plus avant, ce qui endommagerait la mécanique de la griffe. Un morceau de caoutchouc mousse collé remplace maintenant le morceau de plomb. Autres défauts corrigés : partie tranchante du magasin A éliminée ; la vis côté boucle débitrice ; réajustage de l'entaille qui reçoit la tête du boucleur récepteur. Informations recueillies : la charge de la batterie 16 volts ne doit pas baisser au-dessous de 13 volts. Pour nettoyer ou changer le dépoli, enlever la plaque canal. Pour recaler la plaque canal, la faire appuyer dans son logement horizontalement vers la droite et verticalement vers le bas. [...] Ajouté à l'équipement : un câble rallonge du déclencheur (4 m environ) adaptable à la poignée interrupteur, pour déclencher à distance (par ex. voiture). Une première série de 5 8/35 devrait être terminée d'ici nov. 1982. 26 octobre 1981. Rolle. J'ai refait un essai avec le coupe-circuit pour tester le câble déclencheur que j'ai soudé ce matin. Ca a marché une fois, sans coupe-circuit mais avec, le moteur ne s'est plus mis en marche. Enlevé le coupe-circuit. La caméra ne tourne plus. Téléphoné à Grenoble. D. Cremer à qui je décris la panne dit que j'ai du faire une erreur de pontage dans la prise flash et le fusible alimentation a du sauter. Fusible de 5 ampères le même que Aaton 16 mm remplacé en 10 mn. Constaté que la boîte contenant l'électronique est très mal protégée de la pluie et du froid. 27 octobre 1981. 1er essai de tourner une image avec Isabelle et Hanna. Avec Stellavox. Objectif 35 mm. Filtre 85. Rouleau 60 m. 1er essai. Hanna + Isabelle, cuisine, fort contre-jour. 2ème essai. Hanna + Isabelle, cuisine 2 KW dehors par la fenêtre. 2 KW indirecte dans la cuisine. La caméra a très bien tourné mais François entend très fort le moteur. 28 octobre 1981. 2ème essai de tourner - une sorte de repérage des lieux du motel. Avec Hanna. Tout s'est bien passé. 2 rouleaux de 60 m. Essais de position sur la ventouse et le capot de la voiture de Jerzy. Remarque : les magasins, une fois fermés, ne doivent plus laisser entrer la lumière. Mais par sécurité le verrouillage n'est pas très fiable, en particulier lorsque les magasins sont souvent manipulés dans et hors de leur logement mousse de la valise. Ce soir : rushes chez Cinégram des essais synchrones d'hier. Enfin des images stables, correctement filmées par la caméra que l'on entend dans le son, un doute cependant, visible surtout dans le cadre de la fenêtre de la cuisine (l'extérieur étant fortement surexposé), un papillottement léger. Question : est-ce dû à l'inclinaison ou à la synchronisation du miroir de l'obturateur ? Pour le reste nous pouvons dire ce soir que cette caméra est capable de filmer des images. 29 octobre 1981. Installation de la caméra sur la plaque-ventouse capot de la voiture de M. Jerzy. 1er cadre au 35 mm, Jerzy + Isabelle à vélo qui vient s'accrocher à la portière, côté Jerzy au volant. La caméra semble être bien conçue pour ce genre de prise de vue, légère, peu encombrante, discrète. Un incident, la soudure du câble déclenchement à distance a lâché au cours des manipulations de préparation. Une fois ressoudé, tout à fonctionné à merveille apparemment. Nous verrons aux rushes demain soir : 2ème cadre plus rapproché au 35 mm. 3ème cadre gros plan Isabelle au 50 mm. 4ème cadre gros plan Jerzy au 50 mm. Rushes ce soir des images tournées hier au motel. La caméra est presque tout à fait à la hauteur des images que nous lui avons fait filmer, si ce n'est ce léger papillottement déjà senti hier en particulier dans les parties surexposées. 30 octobre 1981. Essai de filmer le mouvement d'un avion à Cointrin en début de piste, là où les zincs tournent court pour se mettre en position de décollage. Nous approchons la caméra au plus près des tolérances de sécurité. Il pleut et nous couvrons la caméra d'un sac plastique troué côté objectif (le 85 mm) et côté viseur - un parapluie protège l'ensemble caméra-trépied-cameraman. Le filmage se déroule bien. Il y a un peu de vent et nous pensons, la caméra étant si légère, que le trépied doit être malgré tout d'un bon poids particulièrement en tournage extérieur, lorsqu'il s'agit de panoramiquer et s'il y a fort vent. 1 rouleau de 60 m. Rushes, ce soir et toute l'équipe présente, peut constater la bonne tenue de la caméra sur la ventouse et qu'elle a parfaitement répondu aux commande à distance. De manière générale, nous pouvons dire que ce prototype Aaton peut efficacement travailler sur le film Passion moyennant à mon avis un éclaircissement sur le léger papillottement de l'image, décrit plus haut, et qu'elle remplit bien sa mission de caméra discrète, peu encombrante, manipulable, fiable et de bonne compagnie. 2 novembre 1981. Nous retournons tourner 2 rouleaux de 60 m. A l'aéroport, les gros oiseaux de tous les pays qui tournent en bout de piste, surtout le zinc de la LOT polonaise. Tout se passe bien malgré le brouillard et l'humidité ambiante. Ce soir téléphone avec François Weulersse qui dit trembler de peur à chacun de nos appels ; mais il n'y a pas de quoi. Nous prenons rendez-vous pour demain après-midi à Grenoble où nous verrons ensemble techniciens de tournage et techniciens d'usine de quoi il retourne au sujet de ce papillottement dont nous parlons ici depuis quelques jours. 3 novembre 1981. Avec Hans à Grenoble où nous faisons voir à MM. Lecoeur, Weulersse et compagnie les deux premières bobines (cuisine) et deux bobines (hôtel). Leur projecteur est hélas mal réglé et nous ne parvenons pas à leur montrer ce que nous avons vu en matière de papillottement. Par contre il est assez clair qu'il y a de la stroboscopie dans les panoramiques. Peu de réaction de ces messieurs d'Aaton auxquels nous laissons une bobine afin que J. P. Beauviala puisse voir les images à son retour, fin de la semaine, et que les techniciens aient le temps d'analyser les photogrammes. François Weulersse aimerait beaucoup venir un jour assister au tournage. Ce soir rushes des 2 rouleaux d'avions filmés hier. Belles images mais nous trouvons que l'effet de stroboscopie est très sensible. A suivre. 4 novembre 1981. Tourné 1 rouleau de 60 m sur Jerzy avec l'Elemack et le bras de grue prototype Cinejib. La caméra - dite "la petite" - a l'air minuscule sur toute cette machinerie qui pèse des centaines de kilos, pour balader la formation d'une image de 1,6 cm x 2,2 cm à 4 m du sol. 5 novembre 1981. Tournages d'essais lumière dans le décor exigu de la maison d'Isabelle avec pour fixation le serre-joint à rotule [...]. 6 novembre 1981. Tournage à l'usine des essais de mélange de lumière du jour et néon avec Isabelle à sa machine-outil et dans les couloirs. Là encore nous apprécions la discrétion de la caméra dans un milieu qui travaille. 8 novembre 1981. Dernière main à la couture d'une housse matelassée isotherme et imperméable qui devrait prévenir le moteur et l'électronique des refroidissements et de l'humidité. 9 novembre 1981. Tournage de la séquence dite "Le Titien" au bord du lac, avec Raoul Coutard et son assistant Jean, qui travaillent pour la première fois et facilement avec la 8/35 mm Aaton. Il fait froid et soleil. Tout se passe bien. 10 novembre 1981. Lisez l'histoire du journal d'une caméra qui finit mal... Mes défauts plus ceux de la maison Aaton finissent par faire un gros défaut sur le film. Ca avait l'air d'aller trop bien pour ce ce soit vrai, cette caméra allait pouvoir assumer la majorité de la formation des images de Passion. Il fait aujourd'hui plus froid qu'hier et c'est la catastrophe. Clignotement du voyant lumineux, refus de tourner synchrone, les moteurs ne s'entendent plus ou je ne sais quoi d'autre. Coutard dit que c'est la graisse qui est figée par le froid (il faudrait de la graisse au silicone). Est-ce le froid ? Est-ce la fatigue des essais, toujours est-il que c'est la grosse allemande ARRI BL qui remplace maintenant la princesse de Passion. Contrôle de la batterie 18 volts, OK. Contrôle du déclencheur, PK. Contrôle de la boucle, OK. Rien apparemment n'explique, et moi non plus, le clignotement du voyant rouge, sinon le froid qui aurait figé la mauvaise graisse, et c'est là que tout se gâte, je ne l'ai pas mise au frigo pour vérifier si elle tournait par grand froid et vous non plus, ni non plus dans une chaudière, etc. Caramba. Et ce n'est pas tout, impossible de joindre Grenoble par téléphone ce soir, les services internationaux annonçant au bout du film que la centrale téléphonique de Lyon a été détruite par je ne sais quelle catastrophe qui nous rend complètement orphelins de la maison-mère. Et ce n'est pas tout : rushes ce soir, et nous commençons par voir les essais du 5 et 6 novembre 1981, tout a visiblement bien fonctionné, sauf dans un plan de l'usine, une fenêtre fortement surexposée en haut à droite de l'image où l'on constate comme un filage au-dessous de la partie surexposée. Puis viennent les rouleaux tournés par Raoul. D'abord une image très fixe et piquée, même fortement contrastée, mais qui vers la fin du dernier rouleau, commence d'abord par filer un peu en début de prise, puis progressivement file carrément sur dix à quinze images, et caetera jusqu'à la catastrophe à la consternation générale. Dire que cette caméra promettait était en dire trop - tout est à revoir à refaire - ce soir l'avenir de cette histoire est un trou noir et une page blanche. 11 novembre 1981. Réchauffée lentement toute la nuit à température ambiante d'appartement (sans que la batterie soit "regonflée"), ce matin la caméra tourne "normalement", c'est à dire que le voyant rouge s'éteint vite et ne clignote plus lorsque la pellicule avance. Le bruit sonne juste mais la confiance n'y est plus. Hier il faisait en extérieur pas loin de zéro degré celsius avec vent du Nord et la graisse s'est certainement figée, rendant l'effort d'un des moteurs trop pénible pour sa puissance, ou est-ce l'électronique qui ne supporte pas le froid ? Il y a donc un gros défaut de conception, et ce n'est hélas aujourd'hui plus qu'une caméra de chambre et pas encore une caméra de choc. D'autre part j'insiste sur le papillottement filé des fortes surexpositions (partie droite en haut de l'image projetée). Encore constaté ce matin que la rondelle ou douille de fixation de l'axe de l'obturateur n'est pas noirci, ce qui paraît dangeureux à cet endroit de la formation de l'image. Et la stroboscopie était très sensible à nouveau dans les panoramiques lents" (Hugues Ryffel, rapport non signé, archives Aaton, Cinémathèque française).

"In 1977, film director Jean-Luc Godard commissioned Aaton to develop a 35 mm camera. He wanted to combine the advantages of the quantity of information contained in a 35 mm film image, and the ease of hand-holding and unobtrusiveness of super 8 cameras. J.L. Godard, took delivery of the first prototype in April 1979, and used it on Sauve qui peut (la vie), presented at the Cannes festival in May 1980. The Aaton 8-35 is hand-held and has instant magazines. The noise level of the 8-35 is 33 dB ; the camera is self blimped. With a soft light-weight cloth or leather blimp, 2-3 dB is eliminated. In any case, the 8-35 is meant to be a second camera for situations requiring mobility, and the sound level is not the essential issue when scaling a mountain peak with the camera, for example, or canoeing down the Amazon... The steadiness is excellent ; it is ensured by the same claw movement system (US patent 3 806 016) that has made a name for the Aaton 16 mm 7 LTR. The claw downstroke is absolutely linear, in the film place ; the claw tip itself ensures registration before leaving the perforation at the lower dead point of the stroke. Willy Lubtchansky, J.L. Godard's cameraman, contends that the 8-35's steadiness is comparable to that of a Mitchell. On double exposure tests, no visible signs of any movement whatsoever can be observed. An original feature : the camera has two motors : one for the magazine drive, the other for the mechanism. The 8-35 is small and light : it weights in at around 5 kg, with 60 meter mag - slightly less than the Aaton 7 LTR 16 mm camera. The vocation of the 8-35 is to be a companion to the Panavision or Arri 35 BL : it is easy to handle, unobtrusive, and mobile. A few technical details : - choice of either BNC or CA mount ; adaptators for other types, - reflex viewing with rotating mirror shutter, - automatic upright image in viewfinder ; viewing on patented Aaton fiber optic screen, - operating speeds : 24/25 fps crystal ; variable 6 to 36 fps, - power drain 14 Ah on 12 v. battery, - clip-on magazine : 60 meter displacement type (150 meter mag available 1982), - possibility of video tap. The first series of cameras was offered on a subscription basis in 1979, and will be delivered mid-1981. After that, the 8-35 will become available again early in 1982, at a price in the area of F. 120 000 with two magazines" (Notice Aaton 35 mm Camera, Grenoble, Aaton, 1979).

Bibliographie

Notice Aaton 35 mm Camera, Grenoble, Aaton, 1979.

"The new Aaton 8-35 35 mm camera", American Cinematographer, septembre 1979.

Cahiers du cinéma, n° 300, mai 1979, p. 29.

Cahiers du cinéma, n° 348-349, juin-juillet 1983, repris in Alain Bergala, Jean-Luc Godard par jean-Luc Godard, Paris, Cahiers du cinéma Editions de l'Etoile, 1998, p. 519-530.