L'Homme à l'imperméable

Si tous saluent la performance de Fernandel, beaucoup regrettent que Duvivier n’ait pas su " choisir son camp ", ainsi de Jacques Doniol-Valcroze dans France-Observateur : " Nous oscillons sans cesse entre un réalisme minutieux (la présentation de Fernandel au début, par exemple), et une sorte de fantastique burlesque qui serait plus acclimaté dans un contexte anglo-saxon que dans le cadre parisien. Il est probable que Julien Duvivier, qui ne laisse rien au hasard, a volontairement joué sur les deux tableaux et que l’atmosphère qu’il recherchait avait quelque chose de commun avec celle de " La traversée de Paris " ; mais là où Claude Autant-Lara a merveilleusement réussi, recréant à la perfection le climat mi-féérique, mi-réaliste de Marcel Aymé, Duvivier a buté sans cesse sur la gratuité de son récit et l’artificialité de ses personnages. Il a pu dès lors accumuler les astuces de mise en scène et les habiletés de détail sans pour autant donner à son film assez de vigueur pour retenir l’attention... L’interprétation du film est bizarre. Personne ne joue dans le même ton... Le détail est soigné, la réalisation aussi, mais l’ensemble demeure sans cesse mineur, faute d’un point de départ et d’un argument capable de soutenir l’attention le temps d’un long métrage ". Certains, tel Jean Rochereau dans " La croix ", vont chercher des filiations dans l’humour anglais, qui triomphe alors sur les écrans : " Ayant choisi de conter une intrigue farfelue, Duvivier le fait avec le plus grand sérieux, le souci même d’une observation exacte, d’un dialogue inadmissible. De ce décalage entre le thème et sa transposition naissent des effets comiques aussi discrets qu’efficaces... Il n’est peut-être pas inutile d’insister sur le fait que - tout comme dans le célèbre " Noblesse oblige " - chacune des péripéties de " L’homme à l’imperméable " ne doit pas être prise au sérieux. Il suffit, le plus souvent, d’un léger coup de pouce donné aux situations, aux personnages, pour que le " suspense " fasse place au rire... ". D’autres regrettent justement qu’un pareil sujet n’ait pas été tourné par un réalisation anglo-saxon, comme Louis Chauvet dans " Le Figaro " : " On voit bien comment un réalisateur de Hollywood aurait traité le même scénario, d’une façon plus haletante, plus grand-guignolesque aussi. Hitchcock eût remplacé les détails de comédie farfelue par un certain humour britannique et mis en place quelques scènes " à faire frémir ". Julien Duvivier choisit une troisième méthode en rapport avec son propre tempérament, discrète mais intelligente, parfois cérébrale, toujours souriante. Il applique à l’exécution des " gags " un parti pris analytique et descriptif, dédaigne le rythme fiévreux, et finit par créer un charme spécial ". La presse bien pensante, quant à elle, est très sévère, témoin " La France catholique " qui écrit : " Julien Duvivier se contente de nous offrir une comédie policière à gros effets, où Fernandel utilise les habituelles ressources de son physique, de sa gaucherie et de sa candeur... " et surtout Claude-Marie Trémois qui, dans " Radio Cinéma Télévision ", se livre à une véritable exécution du film : " Le réalisateur de " Voici le temps des assassins " a confondu une fois de plus peinture d’atmosphère avec étalage d’abjection. " L’homme à l’imperméable " est systématiquement ignoble de bout en bout. Et la description des milieux et des personnages qui se veut sans doute finement comique n’est qu’une accumulation de détails sordides... Pour réussir une œuvre satirique, comme un film d’humour noir, il ne suffit pas de se vautrer complaisamment dans la fange. On manque alors de recul ".