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Toute la mémoire du monde 2022

L'Indésirable

A Tolonc
Mihály Kertész
Autriche-Hongrie / 1914 / 1:06:09 / Intertitres hongrois avec sous-titres français et anglais en option (English intertitles in option)
Avec Lili Berky, Mihály Várkonyi, Mari Jászai.

Liszka, jeune orpheline, est élevée à la campagne par son oncle. Sur son lit de mort, celui-ci lui révèle que la mère de la jeune fille n'est pas morte, mais qu'elle est en prison depuis des années. Seule, Liszka part pour la ville où elle est engagée comme femme de chambre dans une demeure bourgeoise. Miklós, le fils aîné de la famille, tombe amoureux d'elle. Mais la mère du jeune homme répudie la femme de chambre accusée de vol.

Liszka, an orphan, is raised in the countryside by her uncle. On his deathbed, her uncle tells her that her mother is not dead but has been in prison for years. Liszka leaves for the city, where she is hired as a maid in a bourgeois house. Miklós, the family's eldest son, falls in love with her. But the young man's mother repudiates the maid, who is accused of theft.

Film restauré et numérisé en 2K en 2014 par le NFI (National Film Institute – Nemzeti Filmintézet, Budapest) à partir d'une copie nitrate retrouvée à New York en 2008 et d'après les travaux d'analyse de l'historien Gyöngyi Balogh. Partition composée et dirigée par Attila Pacsay à l'occasion du centenaire du film. A Tolonc est le second plus ancien long métrage muet du cinéma hongrois.

Remerciements à György Ráduly, Tamara Nagy (NFI).


Le dynamique et pionnier producteur Jenő Janovics (directeur du mythique Théâtre national de Cluj-Napoca entre 1906 et 1919, avant qu'il ne devienne le Théâtre national roumain) fonde son premier studio de cinéma, Proja Filmgyár (Proja Film), également en Transylvanie dans les années 1910, quelques années avant que le studio ne devienne le fameux Corvin Filmgyár, repris par Alexandre Korda à Budapest en 1917. Les films produits par le studio Proja Film sont traités et tirés au laboratoire Projectograph Filmgyár à Budapest. Jenő Janovics est ainsi nommé le Charles Pathé hongrois.

Mihaly Kertész, qui n'est pas encore Michael Curtiz, revient du Danemark après une expérience d'assistant réalisateur et acteur pour August Blom et le studio Nordisk Film (Atlantis, 1913), mais également comme opérateur d'actualités et assistant de Victor Sjöström et Mauritz Stiller en Suède. Déjà auteur d'une dizaine de films, il commence ainsi à tourner en 1914 les premiers grands titres du cinéma hongrois pour Jenő Janovics, producteur et aussi scénariste, comme A Tolonc, premier film du studio et grand succès à Vienne et à Berlin. Mais après la période des 100 jours de la république des conseils et la dictature bolchévique sanglante de 1919, Kertész est contraint, après avoir tourné quarante-huit films, de quitter le pays à cause de la « terreur blanche » exercée sur les communistes par les armées de Miklós Horthy. Quelque temps auparavant, Kertész avait réalisé un film de propagande bolchévique et filmé plusieurs événements majeurs du parti communiste.

L'histoire d'A Tolonc est tirée d'une pièce de théâtre folklorique d'Ede Tóth (1875) et adaptée pour le cinéma par Jenő Janovics. Un mélodrame populaire, auquel les paysages romantiques de la Transylvanie, les villages traditionnels et les costumes offrent un décor époustouflant (et aussi un rapport moderne entre la ville et la campagne, la modernité et la tradition). Le tournage a principalement lieu dans le studio (qui dispose d'un espace en plein air protégé) mais également dans le village unique de Torockó, et les gorges de Turda. On retrouve les plus célèbres acteurs du théâtre de Cluj Napoca. Les amoureux sont interprétés par Lili Berky et Mihály Várkonyi (ce dernier connu plus tard aux États-Unis sous le nom de Victor Varconi), tandis que le rôle de la mère est joué par la légendaire actrice de théâtre de l'époque Mari Jászai (c'est malheureusement l'unique film de sa courte carrière de cinéma – seulement deux films – qui a survécu jusqu'à présent).

A Tolonc est l'un des premiers films de l'histoire du cinéma hongrois à utiliser pleinement le langage cinématographique. L'intrigue repose sur un montage parallèle montrant le cheminement d'une femme libérée de prison et d'une paysanne orpheline, mère et fille, allant l'une vers l'autre, vers un point commun, leur village natal. C'est un drame sensible magnifiquement construit sur les rapports mère-fille, dont la narration suit ces deux fils parallèles et transforme parfaitement les éléments littéraires en un film d'art et essai (magnifiques surimpressions pour symboliser le lien maternel). A Tolonc fut en son temps bien accueilli par les critiques : « Aujourd'hui, nous avons dépassé l'époque où les films hongrois étaient regardés uniquement parce qu'ils étaient hongrois, et donc nous ne les regardions pas et ignorions leurs défauts. Proja Film n'a plus besoin de cela, car son premier long métrage peut certainement résister à une critique sérieuse. Les acteurs principaux ont apporté tout leur art à l'ensemble. Notre célèbre actrice tragique Jászai Mari, la belle Lili Berky, Mihály Várkonyi et le grand acteur de caractère hongrois István Szentgyörgyi sont tous excellents dans le film. » (Mozgófénykép Híradó, 7 février 1915)

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