Film visible sur HENRI jusqu'au mardi 14 mai
Yann Dedet

L'Autre côté

Yann Dedet
France / 2009 / 55:50 / VOSTF

Journal de voyage qui s'intéresse à tout ce qu'il découvre, des araignées aux vieilles dames en passant par les trains. Le film, disent certains Japonais, charrie un certain nombre d'invariants japonais qu'un regard étranger met au jour par une simple attention qui se laisse porter au gré des pluies et des vents.

Remerciements particuliers à Yann Dedet et Minori Akimoto.


Le mot du réalisateur

L'occasion d'aller enfin au Japon m'est donnée en 2005, quatre ans après le Chien. Je venais de retrouver par hasard, à une rétrospective des films d'Ozu, mon meilleur ami de classe de seconde, Pascal Griolet, perdu de vue depuis une bonne trentaine d'années au fil de chemins qui avaient bifurqué, l'un vers le montage et l'autre vers l'enseignement du japonais dont il était l'un des professeurs les plus appréciés. Hasard objectif béni des dieux nippons, il m'a proposé de l'accompagner trois semaines au Japon, à une période qui correspondait miraculeusement à un trou entre deux montages.

Voilà cinq ans que j'étudiais la langue et malgré un D. U. de japonais – mon seul diplôme à ce jour – je n'en étais encore qu'à la maternelle malgré des samedis à travailler les kanjis et des dimanches à potasser la grammaire nippone. Le but de Griolet, et ce pourquoi il m'avait engagé, était de faire un film sur le Taishū engeki, une forme de théâtre populaire un peu méprisé de la gent cultivée mais dont il était le spécialiste passionné. Je venais de m'acheter une caméra, parce que me démangeait depuis le long métrage l'idée de filmer moi-même – de cadrer surtout, métier qui était ma visée avant de tomber dans la marmite du montage (monter c'est découper le temps et cadrer c'est découper l'espace).

D'une main, j'ai filmé le théâtre de mon ami retrouvé – admirables spectacles dans lesquels l'intérêt était autant sur la scène que parmi les spectateurs et surtout spectatrices enthousiastes – et de l'autre, ce journal de voyage, L'Autre côté, filmant directement tout ce que je découvrais pour la première fois, sans réflexion préalable.

Pourtant, dès les premiers plans, j'ai vite appris que tout documentaire nécessite mise en scène et, comme mise en scène peut nécessiter fiction, il me fallait un acteur ; je n'en avais qu'un sous la main, Griolet étant occupé à s'organiser pour filmer ses spectacles chéris.

Je filmais d'une part des vues subjectives dans lesquelles l'émotion se dessinait toute seule dans le regard de la caméra, et d'autre part des champs-contrechamps pour valoriser des plans qui demandaient à être développés, ou bien que j'avais plaisir à dilater par le regard du ravi-de-la-crèche que j'étais et pour qui tout semblait délice, posé en contrechamp devant les plans déjà filmés.

J'ai été très peu dépaysé par le pays rêvé et tout me semblait à portée de sentiment, tout me tenait lieu de trésor, des araignées aux gens qui voulaient bien se laisser filmer, malgré une gêne sensible qu'ils dominaient avec une extrême générosité. La caméra est souvent posée, par terre comme c'est de coutume, sur une table, sur un arbre...

Je ne pense pas que c'était ce que j'avais lu ou vu du Japon qui créait cette familiarité – tout ce que j'avais dévoré ne m'avait laissé qu'à la surface de Cipango – mais c'était que ce pays me paraissait simple, qu'il se laissait vivre de plain-pied, entre modernité et folklore, en toute fluidité.

Je voyageais en Shikoku, l'île d'Ōe Kenzaburō, où se situe le plus beau des romans japonais, M/T et l'histoire des merveilles de la forêt, qui dit sa petite histoire dans la grande Histoire, les deux menées par la voix de sa grand-mère.

Je revenais à Tōkyō filmer le théâtre puis enfin débarquais à Ōsaka retrouver Katagiri Kenji, jeune Japonais qui avait été mon assistant-spécial-Japon sur Le Pays du chien qui chante.

J'ai mis une bonne année à ne pas arriver à monter ces bouts, confiant le film deux mois à Bénédicte Brunet qui m'a sorti de la difficulté de monter ce que j'avais filmé, et m'a redonné l'énergie de remettre la main à la pâte.

Yann Dedet (avril 2023)


Pour aller plus loin :