Tout-monde

Des taureaux et des vaches

Patricia Mazuy
France / 1992 / 1:01:00

Regard documentaire sur l'élevage bovin au début des années 1990.

Fichier vidéo issu d'un élément Betacam numérique déposé par la cinéaste en vue de sa rétrospective à la Cinémathèque française en octobre 2022. Remerciements à Patricia Mazuy.


« Ce film m'avait été commandé par le ministère de l'Agriculture deux ans après Peaux de vaches. Cela faisait partie d'une série documentaire sur la "fin des paysans", la commande était d'expliquer au grand public non scientifique la sélection dans l'élevage depuis l'insémination artificielle jusqu'au clonage en 1991. C'était comme de rentrer dans un monde parallèle incroyable, c'était passionnant de faire une sorte de Bécassine au pays des vaches. » (Patricia Mazuy)

En terres bovines

« Un mélange incongru de Bécassine au pays des vaches et de Full Metal Jacket » : c'est ainsi que Patricia Mazuy résume son documentaire télévisuel Des taureaux et des vaches (1992), film-essai sur la génétique bovine. Nous sommes quelques années avant la crise de la vache folle, et la jeune cinéaste vient de sortir son premier long métrage, Peaux de vaches (1989), un western paysan racontant une guerre fratricide dans le milieu rural.

Des taureaux et des vaches est, quant à lui, un traité de science bovine, une esquisse donnant une vision sans complaisance de la mise à mort des vaches et, en même temps, un aperçu du soin porté à la vie de ces animaux par une humanité intéressée. Le film n'est donc pas un document à charge contre l'industrie agroalimentaire, c'est aussi un exercice de fascination pour les bêtes. Et, de fait, le film tient sur une série de paradoxes entre le didactisme et l'humour, entre un point de vue éclairé et un peu de fantaisie. On le regarde entre l'émerveillement et la crainte : c'est qu'il oscille sans cesse entre la cruauté et la tendresse propres aux humains qui guettent jusqu'au moindre trait de l'anatomie des bovins.

À l'origine, il s'agit d'une commande du ministère de l'Agriculture afin de rendre accessible au grand public les techniques d'insémination artificielle et de clonage. Et qui mieux que la réalisatrice de Peaux de vaches pour s'en occuper ? Mazuy se prend de passion pour le sujet, parcourt la France à la recherche des Limousines, des Normandes, des Holstein, s'improvise à l'écran assistante d'un généticien, écrit des textes que les éleveurs doivent lire sur un prompteur, sollicite Jean-Pierre Duret pour une voix off... Ce travail infatigable de documentation devient un défi de montage pour tenter de trouver un équilibre entre l'acharnement scientifique, l'industrie alimentaire et, malgré tout, l'élan vital des animaux. Si les manipulations infligées aux bêtes semblent insoutenables, c'est notre rapport à l'animal qui est donné à repenser. Trente ans après le film, on ne sait plus si on peut dire, comme le jeune éleveur paralysé par la présence d'une caméra, que « la viande de vache, c'est un cadeau des dieux » : mais on comprend désormais que le vrai cadeau des dieux, c'est le doux regard bovin qui nous renvoie vers une humanité en crise.

Gabriela Trujillo


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