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Slava Ukraïni ! Слава Україні!

Mélodie pour orgue de Barbarie

Мелодия для шарманки
Kira Mouratova
Ukraine / 2009 / 2:32:21 / VO avec sous-titres français en option
Avec Lena Kostiouk, Roma Bourlaka, Natalia Bouzko.

À la mort de leur mère, Nikita et Aliona, demi-frère et sœur, se lancent ensemble à la recherche de leurs pères respectifs. Mais ils sont seuls dans la grande ville à la veille de Noël, et leur quête tourne au drame.

Remerciements à Oleh Kohan et Polina Teshabaieva (Sota Cinema Group), Anna Koriagina, Jenny Prygunova, Dariya Bibikova.


Pour ce film, Kira Mouratova décide de travailler à partir d'un scénario écrit par Vladimir Zouev, dramaturge de Kiyv, avec qui elle a partagé la douloureuse expérience du projet avorté et interdit par la censure soviétique Regardez attentivement les rêves (1969). Le scénario est repris à six mains, par Zouev, Mouratova et Evgueni Goloubenko, son mari et plus proche collaborateur. Ce périple de deux enfants égarés et stoïques à travers Kiyv se présente comme un anti-conte de Noël, jouant avec l'imagerie et les codes de ce genre tout en les détournant. L'imagerie de Noël parsème le film sous forme de sapins synthétiques aux couleurs criardes qui surgissent un peu partout sur le chemin des orphelins, ou encore sous forme de cartes postales et de chants de Noël. Mais si le film n'est pas sans nous rappeler des récits aussi incontournables que La Petite fille aux allumettes de Hans Christian Andersen ou Le Petit garçon à l'arbre de Noël du Christ de Fiodor Dostoïevski, c'est dans une ville et des « non-lieux » contemporains que se déroule l'action. Les enfants traversent ainsi la gare, le casino, une vente aux enchères ou encore un supermarché, grande machine sans âme où se déroule une importante partie du film.

Les autres, adultes et enfants, que croise le binôme, sont des monades soliloquantes, prises dans leurs petites obsessions personnelles. L'impossibilité de la communication et la rupture du lien social apparaissent à travers les inversions, décalages et ricochets entre les enfants et le reste du monde. Les rôles sont ainsi régulièrement inversés : les clients du supermarché volent, les employées du guichet des renseignements ne renseignent personne. La trajectoire que tracent les deux enfants dans cette société autiste fait parfois surgir l'espoir mais interroge sans cesse sur ces vies dont la présence semble être à tout instant effaçable, comme l'empreinte laissée par une main sur une vitre glacée.

Après Les Longs adieux et L'Accordeur, deux films d'une immense douceur, ce conte amer sur une enfance perdue nous permet de découvrir une autre facette de la cinéaste, très lucide sur les violences souterraines et l'indifférence du monde. Aujourd'hui, alors que les médias occidentaux semblent se décentrer progressivement de la guerre en Ukraine, ce film nous rappelle à quel point l'indifférence guette chacun d'entre nous.

Eugénie Zvonkine

Voir aussi la vidéo de la conférence d'Eugénie Zvonkine « Qui êtes-vous Kira Mouratova ? » (Cinémathèque française, 26 septembre 2019)

Aider le Centre Dovzhenko

Le Centre national Oleksandr Dovzhenko possède des archives d'importance internationale avec une vaste collection de films ukrainiens et étrangers qui comprend 7 000 longs métrages, documentaires et films d'animation, ainsi que des milliers de documents d'archives de l'histoire du cinéma ukrainien. Fondé en 1994 et membre de la FIAF depuis 2003, le Centre Dovzhenko dispose d'un espace aux normes de conservation nitrate, du seul laboratoire film en Ukraine, d'un musée du cinéma, d'une médiathèque et d'un département d'édition. Il préserve, promeut, recherche et distribue le patrimoine cinématographique national en Ukraine et à l'étranger.

L'une de ses principales activités est l'étude et la restauration de la production cinématographique de l'Administration panukrainienne du cinéma photo (VUFKU/ВУФКУ) qui a été fondée il y a 100 ans, en mars 1922. VUFKU est devenu l'un des studios de cinéma les plus prospères des années 1920 jusqu'à ce qu'il soit contraint d'intégrer une administration cinématographique entièrement soviétique en 1930. Nombre de ses dirigeants ont été emprisonnés ou exécutés lorsque Staline a réprimé le renouveau national ukrainien dans les années 1930.

L'Ukraine et sa culture sont à nouveau attaquées et les archives et le travail du Centre sont en péril. Malgré son importante contribution au cinéma ukrainien et mondial, le Centre a toujours été sous-financé et l'invasion russe l'a empêché de payer son personnel, de protéger ses archives uniques et de poursuivre ses activités.

Nos dons aideront le Centre et son personnel à survivre jusqu'à la fin de cette terrible période.

Pour soutenir le Centre Dovzhenko : https://www.gofundme.com/f/vufku-100-helping-the-dovzhenko-centre-in-kyiv