L'emploi de lignes sinueuses et de motifs végétaux est caractéristique de l'Art nouveau, dont Alphonse Mucha (1860-1939) est un représentant notoire. Lorsqu'il imagine ces deux Têtes byzantines en 1897, l'artiste jouit d'une renommée éclatante. Il est, depuis 1895, l'affichiste attitré de la comédienne Sarah Bernhardt, suite au succès de Gismonda.
Mucha contribue à l'image de la femme sensuelle dans l'Art nouveau et fait de la longue chevelure, florale, aquatique ou aérienne, un motif ornemental à part entière. Dans ses Têtes byzantines, une brune et une blonde se font face dans des médaillons séparés où leur profil se détache à la manière des portraits antiques ou renaissants. Les cheveux relevés découvrent la nuque et laissent échapper des boucles légères, tandis que des mèches ondulantes retombent sur les côtés.
Mucha crée un faux jeu de miroir où brune et blonde rivalisent de beauté. D'or et d'ébène, les coiffures sophistiquées se répondent alors que les sourires, les regards et les bijoux consacrent leurs différences. Chacune exhibe fièrement une tiare somptueuse, qui couronne son visage d'un éclat supplémentaire. Sertie de perles et de pierres précieuses, la chevelure souple et malléable devient une parure aux arabesques ciselées comme des joyaux. Mucha et Lalique s'inspirent d'ailleurs de ces ondulations pour créer des bijoux raffinés.
Les entrelacs des coiffures, présents dans le fond des médaillons, dans les ornements du cadre comme dans les joyaux, créent un motif végétal stylisé typique de la Belle Époque. Parées de lys, de roses ou d'iris, les chevelures de Mucha se déploient en corolles sensuelles et généreuses. L'artiste perpétue ainsi le culte de la femme-fleur, innocente ou vénéneuse, que cette fin de siècle se plaît à célébrer.
Ces Têtes byzantines auront un immense succès. Les femmes voluptueuses et envoûtantes de Mucha réapparaîtront dans les arts décoratifs au cours des années 1960 et 1970. Leurs chevelures ondulantes comme des lianes ou des flammes, éminemment psychédéliques, fleuriront à nouveau sur les murs des grandes villes.
