Pierre Puvis de Chavannes

La Toilette

huile sur toile, 1883, Musée d'Orsay, Paris

La thématique de la femme à sa toilette traverse pour ainsi dire toute l'histoire de l'art et devient à nouveau le sujet d'élection de la seconde partie du XIXe siècle, néanmoins affranchi de ses conventions et d'un certain statisme : ainsi Degas, avec ses corps souples de femmes au tub, ainsi Renoir, dans la pure sensation des peaux nues et des cheveux lâchés au grand air, ainsi les visages sans apprêts et sans fard de Courbet. Puvis de Chavannes s'inscrit pour sa part dans une approche plus classicisante du thème, du moins à première vue.

La représentation d'une femme tenant sa chevelure ou se faisant coiffer par une autre femme est récurrente dans son œuvre. La figure féminine de La Toilette correspond à un canon commun à de nombreuses toiles, ne se référant à aucune mode ni époque précises : elle semble évoluer dans un lieu hors du temps, comme celui des Jeunes filles au bord de la mer, à l'air détaché et au drapé classique. Sobriété de la touche, construction rigoureuse, tout concourt à créer une œuvre stable à l'image du modèle aux hanches solides de La Toilette. Sa sensualité distante instaure un "érotisme contenu", notamment par l'aspect sec et mat de la peinture, qui contient très peu d'huile, à la manière des fresques des maîtres anciens.

Si ce style s'appuie sur les traditions du passé, il n'en est pas moins traversé par une singularité moderne. La mise en page fait preuve d'une évidente économie de moyens : fond neutre, espace simplifié, personnage de gauche coupé... La composition est au service de la chevelure, qui traverse la toile de sa diagonale dorée, depuis la servante qui s'incline pour la lisser jusqu'au fond bleu nuit consacrant son éclat. La chevelure est traitée comme une matière à la fois lourde et fluide, d'une apparence compacte. Certains des contemporains de Puvis de Chavannes, comme le néo-impressionniste Henri-Edmond Cross, en feront un véritable rideau coloré occultant définitivement le visage, et n'auront même plus besoin de l'alibi de la toilette pour peindre une chevelure sans d'autre fin qu'elle-même.

Une femme ayant ses cheveux peignés
Edgar Degas - Une femme ayant ses cheveux peignés - c. 1886-1888
Une servante peignant les cheveux d'une femme
Pierre Puvis de Chavanne - Une servante peignant les cheveux d'une femme - c. 1883
Jeunes filles au bord de la mer
Pierre Puvis de Chavanne - Jeunes filles au bord de la mer - 1887
La Chevelure
Henri-Edmond Cross - La Chevelure - c. 1892
Un geste
Se coiffer pour l'Amérique