L'Art de la perruque au Japon

extrait de "Caméra en Asie", 1961, INA

La coiffure des Japonaises a longtemps été le reflet d'une appartenance à un groupe : elle varie en fonction de l'âge et du statut social et familial. Dans le Japon ancien, les femmes de la cour portent les cheveux longs, tandis que les paysannes les rassemblent sous un fichu. Ensuite, sous la période Edo (1603-1868), époque de paix et de prospérité, les artisans laissent libre cours à leur imagination et conçoivent pour les femmes de l'aristocratie de "véritables créations architecturales" (1). La coiffure devient objet de fantasme, et un culte fétichiste naît autour de sa gestuelle et de ses ornements, dont les grands maîtres de l'estampe, comme Utamaro, se font les illustrateurs. Ces coiffures complexes et longues à réaliser imposent toutes sortes de contraintes aux femmes qui les portent.

Pendant l'ère Meiji (1868-1911), le Japon s'ouvre peu à peu à l'Occident, les coiffures se simplifient. Les femmes tentent de s'émanciper dans une société qui ne leur laisse qu'un rôle d'épouse et de mère. Aujourd'hui encore, le Japon tente de faire coexister tradition et modernité.

Ainsi que le montre ce reportage de 1961, le mariage traditionnel requiert pour la mariée une coiffe "tsunokakushi", un chapeau rectangulaire de soie blanche qui couvre le front et se porte sur une perruque. Cette coiffe est censée voiler les cornes de jalousie, de narcissisme et d'égoïsme de la femme, et elle symbolise sa promesse de devenir une épouse gentille et obéissante. Cette coiffure lourde oblige la femme à baisser la tête pendant la cérémonie et semble maintenir sa position de soumission.

Mais la coiffure, au lieu d'être un signe d'appartenance à un groupe et de respect de la tradition, peut aussi être un symbole de revendication de la différence. Au Japon, les années 1990-2000 célèbrent l'avènement du quartier de Shibuya, à Tokyo, comme centre d'une mode jeune, très libérée et certainement libératrice. Garçons et filles portent des vêtements et perruques excentriques ou encore se teignent les cheveux en blond.

(1) Chine et Japon à fleur de tête [Texte imprimé] : [exposition, 6 juillet-31 août 2005], collection Olliveaud-Touzinaud, Centre départemental de documentation pédagogique de la Charente, [Château de l'Oisellerie, La Couronne, Charente] / [catalogue par Catherine Olliveaud].

Femme se poudrant le cou
Kitagawa Utamaro - Femme se poudrant le cou - c. 1795-1796
Stylish Japanese Gals in Shibuya
Stylish Japanese Gals in Shibuya - 2009
Coiffures japonaises