Au cœur des documents : Photographie

Le carnet 8, contient des photographies acquises auprès d'agences photographiques. Deux clichés de la société Sartony, créée en 1885 à Montreuil, et réputée pour son impressionnant fonds d'archives et ses tirages immenses pour des décors dont notamment les « découvertes »1 pour le cinéma et le théâtre. Photo 14, Photo 15 Ces photographies montrent les façades d'immeubles anonymes et sans vie, d'un quartier délabré qui pourrait se situer dans tout quartier de la banlieue parisienne. Difficile d'établir si ces deux photographies ont servi de « découvertes » ou si elles ont été prises comme modèle par Serge Pimenoff pour le décor du quartier de Villejuif au cœur du film Panique réalisé en 1947 par de Julien Duvivier (d'après Les Fiançailles de Monsieur Hire, deGeorges Simenon). Mais une donnée est certaine : elles ont été attribuées à la documentation de ce film par Serge Pimenoff lui-même.

La collecte a dû être très laborieuse car le quartier où se développe le drame, la place, l'église, le café-hôtel Le Petit Caporal, la Pharmacie Moderne, la fête foraine, la boucherie Capoulade, la crèmerie Photo 16, Photo 17, Photo 18 et les intérieurs tel l'appartement de Monsieur Hire Photo 19, Photo 20 ont été entièrement construits dans les studios de la Victorine à Nice à partir des indications très précises que le cinéaste Julien Duvivier avait exprimées dès l'écriture du scénario : « En choisissant cette œuvre, nous y avons vu la possibilité - absente du livre - d'élargir convenablement dans ses conséquences le plus banal des faits divers. En le faisant, Charles Spaak et moi n'avons pas voulu ajouter un titre nouveau à la liste des films policiers. Si toute l'action tourne autour d'un crime, l'intérêt du sujet ne réside pas ici dans la découverte de l'assassin, ni dans les péripéties de l'enquête : nous avons voulu faire de “Panique” un film d'atmosphère social »2. Pas étonnant que Duvivier impose à la production Serge Pimenoff, spécialiste des décors d'atmosphère. Pimenoff y parvient à travers des repérages photographiques très fouillés réutilisés ensuite pour réinventer les lieux du film par des dessins effectués à main levée au crayon et où, par la perspective isométrique, il rend compte des volumes des éléments architecturaux Photo 21, Photo 22, Photo 23, Photo 24. La topographie que présentent ses repérages photographiques ne correspond pas forcement à celle du vrai quartier Villejuif mais d'avantage à celle d'un quartier suscitant l'atmosphère sociale que le film devait dégager, quitte à s'inspirer d'autres lieux : une cour d'immeuble, rue de la montagne-Sainte-Géneviève (Paris 5e) ou encore l'académie de billard de la place Clichy (Paris 9e).

Ainsi, un troisième cliché Photo 25 présente un terrain vague avec deux personnes en train d'observer ce lieu. L'une semble être Serge Pimenoff lui-même. Ce décor, si irréel et pourtant vrai, aurait pu être celui correspondant au quartier Villejuif reconstitué dans les studios de la Victorine, à Nice si le cloché que l'on voit au loin n'était pas celui de la Basilique de Montmartre, à Paris. Le film s'ouvre sur ce terrain vague où se prépare une fête foraine et où le corps d'une prostituée assassinée a été retrouvé. Panique symbolise l'époque des grands studios, pendant laquelle le budget accordé aux décors était conséquent. Les coûts des décors de Panique s'élevaient à huit millions : une somme très élevée pour la période, aux lendemains de la Seconde Guerre Mondiale. Nul doute que, pour le décorateur Serge Pimenoff - assisté de Robert André, René Clavena et Maurice Guerbe - Panique a été une entreprise exceptionnelle.

1« Le mot “découvertes” vient du théâtre où il désigne un espace vu par une ouverture : baie livre, baie vitrée, porte, fenêtre, etc. (…) et dont le comédien ne peut que très rarement approcher. », in Léon Barsacq, Le Décor de film, 1895-1969, Paris Henri Veyrier, 1985, p. 176.
2L'Avant-scène cinéma, n° 390-39, mars-avril 1990, p. 5.

Photo 14 Photo 15 Photo 16 Photo 17
Photo 14 Photo 15 Photo 16 Photo 17
Photographie d'immeubles, issue de la société Sartony, pour le film Panique, de Julien Duvivier (1946)
Serge Pimenoff / Collections Cinémathèque française
Photographie d'immeubles, issue de la société Sartony, pour le film Panique, de Julien Duvivier (1946)
Serge Pimenoff / Collections Cinémathèque française
Photographie de plateau du film Panique, de Julien Duvivier (1946)
© Ministère de la Culture - Médiathèque du Patrimoine, dist. RMN / Raymond Voinquel
Photographie de plateau du film Panique, de Julien Duvivier (1946)
DR
Photo 18 Photo 19 Photo 20 Photo 21
Photo 18 Photo 19 Photo 20 Photo 21
Photographie de plateau du film Panique, de Julien Duvivier (1946)
DR
Maquette de décor constituée d'un dessin au pastel, représentant le palier de l'appartement de Monsieur Hire, pour le film Panique, de Julien Duvivier (1946)
Serge Pimenoff / Collections Cinémathèque française
Maquette de décor constituée d'un dessin au pastel, représentant l'appartement de Monsieur Hire, pour le film Panique, de Julien Duvivier (1946)
Serge Pimenoff / Collections Cinémathèque française
Dessin au fusain d'une façade, pour le film Panique, de Julien Duvivier (1946)
Serge Pimenoff / Collections Cinémathèque française
Photo 22 Photo 23 Photo 24 Photo 25
Photo 22 Photo 23 Photo 24 Photo 25
Dessin au fusain d'une église, pour le film Panique, de Julien Duvivier (1946)
Serge Pimenoff / Collections Cinémathèque française
Croquis à la mine de graphite et au feutre d'un immeuble, pour le film Panique, de Julien Duvivier (1946)
Serge Pimenoff / Collections Cinémathèque française
Dessin au fusain d'une rue, pour le film Panique, de Julien Duvivier (1946)
Serge Pimenoff / Collections Cinémathèque française
Photographie d'un terrain vague, pour le film Panique, de Julien Duvivier (1946)
Serge Pimenoff / Collections Cinémathèque française