L’érotomane polonais Walerian Borowczyk s’est attaqué en 1980 à une adaptation particulièrement déviante du roman de Stevenson, L’Étrange cas du docteur Jekyll et de Mr Hyde, maintes fois transposée au cinéma. Le thème du dédoublement, métaphore habile du combat entre le surmoi et le ça, entre la raison et les pulsions devient, dans Dr Jekyll et les femmes, le prétexte à une surenchère de séquences chargées d’un érotisme morbide. La préciosité du cinéaste épouse ici les méandres d’une intrigue nourrie d’images cruelles (petites filles battues à mort, viols, pendaisons, etc.). Dr Jekyll et les femmes est sans doute le film qui rapproche le plus l’art de Borowczyk d’un cinéma d’exploitation a priori sans conscience, trahissant Stevenson notamment en inventant une compagne au célèbre docteur, transmuant le récit en une bizarre histoire d’amour fou. Le film sera accusé par certains critiques de complaisance sado-masochiste.

C’est l’acteur Udo Kier qui incarne le célèbre docteur, comédien à la carrière extravagante, passant du cinéma de Rainer Werner Fassbinder à Dario Argento et de Werner Schroeter à Paul Morrissey, de Just Jaekin à Lars von Trier. Ce Docteur Jekyll est sans doute un de ses rôles les plus intenses.

Jean-François Rauger