Déchéance

dimanche 2 décembre 2012, 16h30

Salle Georges Franju

16h30 17h55 (83 min)

Déchéance The Goose Woman
Clarence Brown
États-Unis / 1925 / 83 min / 35mm / INT.FR.

Avec Louise Dresser, Jack Pickford, Constance Bennett, Gustav von Seyffertitz

Mary Holmes, une ancienne diva, a perdu sa voix en donnant naissance à un enfant illégitime. Elle vit désormais dans un taudis où elle élève des oies et boit. Quand son voisin est retrouvé assassiné, elle ente d'attirer l'attention de la presse.

En revisitant l'œuvre souvent passionnante de Clarence Brown – hélas tout aussi souvent regardée avec une ignorance condescendante –, j'ai découvert, en dehors du Dernier des Mohicans, plusieurs pépites de sa période muette, trop souvent ramenée à sa collaboration avec Garbo. Ce qui l'exaspérait, car il en tourna plusieurs à contrecœur après le splendide La Chair et le Diable qu'aimait tant Henri Langlois : je me souviens de la chaleur admirative avec laquelle il accueillit Brown à la Cinémathèque... Sa période Universal est notamment riche en réussites, en particulier le très audacieux Smouldering Fires, tragédie romantique sur la différence d'âge illuminée par l'interprétation inoubliable de Pauline Frederick.

Tout aussi singulier et personnel, The Goose Woman nous plonge en quelques plans, sans intertitres, au cœur du sujet, économie narrative qui reste une des grandes spécificités du talent de Brown : une ancienne diva, qui a perdu sa voix à la naissance de son fils, vit comme une semi-clocharde alcoolique dans une baraque avec un troupeau d'oies, et se retrouve mêlée à un meurtre. Au-delà de l'intrigue déjà étonnante, ce qui frappe, c'est la liberté narrative, les ruptures qu'introduisent de brusques flashbacks, la rigueur de la direction d'acteur. Et la sureté, l'acuité de la mise en scène, riche en détails très réalistes – un policier ouvre une fenêtre pour aérer la pièce et tombe sur la porcherie –, cocasses – un pan de décor sépare brusquement un couple d'amoureux –, ou incisifs – l'héroïne dissimule son ivrognerie en cachant du gin dans une cafetière sur le poêle, et l'alcool s'évapore avec la chaleur. Un magnifique et très long travelling précède Louise Dresser marchant sur une route, suivie par une oie. Elles sont rattrapées et dépassées par une voiture sans que cela ne les fasse dévier. Brown décrit avec sécheresse les méthodes policières, pointant la rivalité entre le district attorney calculateur et le chef de la police onctueux et impitoyable.

Bertrand Tavernier