Catalogue des appareils cinématographiques de la Cinémathèque française et du CNC

Accueil > Collection > Praxinoscope théâtre

Praxinoscope théâtre

N° Inventaire : AP-17-3178

Collection : La Cinémathèque française

Catégorie d'appareil : Visionnement du mouvement

Nom du modèle : Praxinoscope théâtre (bande pour)

Numéro de fabrication : 2ème série n°12

Lieu de fabrication : Paris, France

Année de fabrication : 1879

Brevet : Emile Reynaud, B. F. n° 120 484, demandé le 30 août 1877, délivré le 21 décembre 1877 : "Appareil pour obtenir l'illusion du ... +

Fiche détaillée

Type de l'appareil

bande de papier lithographié en couleurs ; douze images sur fond noir représentant douze phases d'un mouvement (Une fillette en robe rose et un garçonnet vêtu de bleu se balançant de part et d'autre d'une planche posée en équilibre sur un rondin de bois)

Auteurs

Reynaud Emile
Paris, 58 rue Rodier

Fabricants

Emile Reynaud
Paris, 58 rue Rodier

Utilisateurs

Reynaud Emile
Paris, 58 rue Rodier

Distributeurs

Emile Reynaud
Paris, 58 rue Rodier

Sujet du modèle

["La balançoire"]

Objectif

Informations non disponibles

Taille de l'objet

Ouvert :
Informations non disponibles

Fermé :
Largeur : 65.5 cm
Hauteur : 5.4 cm

Diamètre :
Informations non disponibles

Taille de la boîte de transport

Informations non disponibles

Remarques

"La Nature, souvent citée au sujet de Muybridge et de Marey, joue un rôle dans l'aventure d'Emile Reynaud. Le 1er avril 1876 cette excellente "revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l'industrie" publie un article de Ch. Bontemps, intitulé "La vision et les illusions d'optique". Le thaumatrope, le phénakistiscope et le zootrope sont expliqués, gravures à l'appui. "On peut construire soi-même la plupart des instruments que nous avons énumérés", écrit l'auteur en terminant. L'article n'apprend rien à Reynaud, qui sait parfaitement ce qu'est un phénakistiscope; mais pour distraire le petit Pierre Tixier, il décide de lui en fabriquer un exemplaire, représentant un homme sciant du bois. Toutefois, les images successives du phénakistiscope et du zootrope étant obturées une à une par des fentes, il en résulte que les images et les couleurs sont nettement assombries par le passage repide de ces fentes obturatrices. Reynaud, s'inspirant de recherches précédentes (dont celles de Léon Foucault, selon Guy Fihman), décide de supprimer ce défaut en utilisant une série de miroirs prismatiques. Il fabrique un instrument bien supérieur, le praxinoscope (du grec praxis, "action" et scopeo, "je regarde"), et en donne la description dans un pli adressé à l'Académie des sciences, le 20 juillet 1877. Puis le 30 août 1877, le Sieur Reynaud, professeur de sciences, place du Breuil, 39 au Puy-en-Velay (Haute-Loire), dépose un brevet d'invention pour un appareil encore anonyme (le nom "praxinoscope" apparaît dans le brevet anglais du 13 novembre 1877), qui donne "l'illusion du mouvement à l'aide de glaces mobiles": "Le but spécial de cette invention est de produire l'illusion du mouvement à l'aide de dessins figurant des phases successives d'une action. Ce but est donc le même que celui de l'instrument dû à Mr. Plateau et connu sous le nom de phénakistiscope. Mais le principe et les procédés de l'inventeur sont différents de ceux employés dans ce dernier appareil". Dans le praxinoscope, en effet, la substitution d'une image à une autre se fait au moyen de miroirs prismatiques; ainsi, aucune interruption dans la vision, l'éclat et le coloris des figures restent inaltérés. L'appareil, dans sa première version, se présente ainsi: une "cage de glaces" (selon l'expression de Reynaud), c'est-à-dire une série de 12 petits miroirs verticaux (5,5 cm de hauteur et 2,7 cm de largeur) collés côte à côte de manière à former un polygone prismatique, est disposée au centre d'une couronne. Celle-ci, montée sur un pied en bois, tourne sur son axe en même temps que la "cage". La couronne a un diamètre double de celui de la "cage" prismatique. Sur la face intérieure de la couronne, on applique une bande de papier, qui représente une scène de 12 dessins d'un même sujet dans les différentes phases d'une action. Cette bande est placée de telle sorte que chaque pose corresponde à une face du prisme de glaces. L'ensemble de la couronne et des miroirs est mis en rotation, soit par une simple poussée de la main", soit par une manivelle ou un petit moteur électrique. L'observateur se place en face des miroirs mobiles et voit alors une figure s'animer, avec une netteté et une luminosité remarquables. Le praxinoscope, de plus, peut fonctionner la nuit: il suffit de placer une bougie au centre de la cage de glaces, sur l'axe du pivot immobile du pied central, avec un abat-jour qui concentre la lumière sur les dessins. Plusieurs personnes, placées autour de l'appareil, peuvent regarder ce spectacle animé. Le brevet du 30 août 1877 contient déjà des variantes très intéressantes: une version stéréoscopique (qui ne sera réalisée qu'en 1908) et surtout un praxinoscope à projection. Reynaud, enthousiasmé par sa propre invention, veut absolument l'exploiter commercialement et s'établir à Paris. [...] En décembre 1877, Emile Reynaud et sa mère Marie-Caroline [...] arrivent à Paris, à l'hôtel de la Plata. Il s'agit de profiter d'un évènement exceptionnel, l'Exposition Universelle, qui doit s'ouvrir le 1er mai 1878. Ils trouvent en février deux appartements au 58 rue Rodier, qui serviront de logis pour la mère et le fils et aussi d'atelier (l'immeuble existe toujours). Reynaud passe contrat avec un fabricant de jouets de Nogent-sur-Marne, Dubourguet, qui lui fabrique la couronne métallique du praxinoscope. Un miroitier lui fournit les verres de la cage prismatique, et un imprimeur lui livre les abat-jour et les bandes lithographiées qu'Emile Reynaud a dessinées. Le praxinoscope présenté au rayon des bimbeloteries, à l'exposition universelle, attire l'attention du public. [...] Les bandes lithographiées conçues par Reynaud sont effectivement très gracieuses. Ce sont de petites scènes en douze images (sur fond clair), aux couleurs vives et fraîches dans le style des chromos si répandus au XIXe siècle. Reynaud s'inspire aussi, pour les coloris et les sujets, du répertoire des plaques de lanterne magique: petite fille sautant à la corde, moulin à eau, clowns, "rosace magique" (imitant le chromatrope), etc. Certaines bandes, comme L'équibriste, reprennent les motifs des bandes du zootrope éditées à Paris en 1867. En 1878, Reynaud édite trois séries de bandes lithographiées mesurant 66 cm de long sur 5,2 cm de large. [...] Le praxinoscope se vendra très bien. [...] Plusieurs versions garnissent déjà les étalages des bimbelotiers et des grands magasins: praxinoscope simple, à manivelle, à moteur électrique. Plusieurs tailles sont commercialisées. Ils sont livrés dans une belle boîte rouge en carton, décorée d'une vignette lithographiée ou d'une simple inscription: "Le Praxinoscope - Sujets animés - E.R." Quant à l'abat-jour, dans sa première version, il est bleu ou vert et porte la mention: "Le Praxinoscope, animant les dessins sans en diminuer l'éclat ni la netteté". Plus tard, il sera décoré de petits dessins extraits du répertoire de Reynaud: deux enfants qui font sauter un chat sur un drap, une petite fille qui s'amuse à faire des bulles, une autre qui joue avec les oiseaux, etc. [...]
Le praxinoscope-théâtre, ce "théâtre lilliputien" dépasse en illusion toutes les boîtes d'optique inventées depuis le XVIIe siècle. En effet, même dans les boîtes à images des plus beaux cabinets de curiosités, jamais on n'a pu observer une scène animée d'un mouvement continu, avec un tel effet de vie, de profondeur et de perspective. Emile Reynaud présente lui-même son nouvel appareil, le 5 juin 1879, dans la revue de son ami Moigno, Les Mondes : "Par une addition très simple au Praxinoscope, j'ai réussi à produire de véritables tableaux ou scènes animées, avec décors, comme sur un théâtre lilliputien. Le personnage en mouvement apparaît au milieu de cette petite scène avec un relief saisissant et, dans cette toute nouvelle combinaison, l'appareil lui-même, le mécanisme disparaît pour ne laisser visible que la curieuse illusion produite". L'addition au premier brevet d'invention du 30 août 1877 date du 7 janvier 1879. Reynaud donne l'explication du praxinoscope-théâtre, avec un petit dessin descriptif. L'appareil est le même que le modèle de 1877-1878, mais il est vissé dans une belle boîte d'acajou ou en carton recouvert de papier (il existe aussi une version de luxe en bois de thuya, avec incrustations de bois noir). En outre, les bandes de ce nouveau praxinoscope sont imprimées sur fond noir, ce qui fait particulièrement ressortir les couleurs des figures. Celles-ci vont surgir au milieu d'un décor, grâce à un dispositif nouveau: "Cet effet est obtenu par l'addition au Praxinoscope d'un verre transparent disposé de manière à réfléchir l'image d'un décor placé en avant, tout en laissant apercevoir à travers le personnage animé du Praxinoscope. C'est une application nouvelle d'une disposition employée déjà dans les théâtres pour produire les spectres impalpables." Mais Reynaud n'a jamais apprécié, dirait-on, la fantasmagorie (il n'aborde jamais de sujets diaboliques) ; aussi notre inventeur n'exploite-t-il pas le thème des spectres cher à Pepper et Robin. C'est seulement le décor qui est vu par réflexion. Les petites lithographies très soignées qui servent de décor, sont glissées au dos du couvercle, qui est maintenu vertical par un crochet. Dans ce couvercle, Reynaud a pratiqué une petite ouverture rectangulaire par laquelle le "voyeur" regarde, des deux yeux, l'image animée du praxinoscope et l'image du décor refleté dans la glace. Celle-ci est disposée entre le décor et les figures animées, elle est encadrée par une lithographie représentant une scène de théâtre. Reynaud laisse à ses spectateurs le choix des décors : la sauteuse de corde peut s'amuser à l'intérieur d'un appartement, mais elle peut aussi passer en pleine forêt, devant un couple qui la regarde, aussi charmé que nous. Les danseurs, le fumeur (qui ressemble à Reynaud: un homme jeune aux cheveux ondulés et à la barbe noire) avec son chien attentif, la délicieuse joueuse de volant, la petite fermière avec ses poules, la nageuse ou l'hercule qui porte avec facilité de gros poids en fonte, forment une série de saynètes étonnantes, un petit monde désuet et charmant. Reynaud a repris vingt bandes de son premier praxinoscope, en les éditant sur fond noir. Le "théâtre lilliputien" se vendra également beaucoup. Presque tous les grands magasins parisiens, à la fin du XIXe siècle, proposent sur leurs comptoirs ou dans leurs catalogues d'étrennes le "jeu de salon" d'Emile Reynaud. Preuve du grand succès de l'invention : on la copie en France et à l'étranger. En Allemagne, la firme bavaroise Ernst Plank propose encore dans ses catalogues, en 1902, un plagiat du praxinoscope-théâtre, baptisé "Kinematofor oder Lebensrad". Piètre contrefaçon, puisque les effets inventés par Reynaud ne sont même pas exploités: il n'y a pas de décors reflétés, ni de glace transparente. En revanche, Plank a l'idée de fabriquer un praxinoscope simple mû par une petite machine à vapeur. Ce curieux appareil est encore vendu en 1914. Mais les bandes imprimées allemandes ne peuvent rivaliser avec la qualité des dessins de Reynaud". (Laurent Mannoni, Le grand art de la lumière et de l'ombre - archéologie du cinéma, Paris, Nathan, 1994, p. 341-346).

"Dans notre livraison du 1er février 1879, nous avons donné la description d'un appareil produisant l'illusion du mouvement. Il s'agit du praxinoscope, inventé par M. Reynaud et qui nous a paru présenter une curieuse application d'une disposition optique très ingénieuse. Le succès qui a accueilli cet intéressant jouet scientifique, nous engage à signaler aujourd'hui à nos lecteurs une addition au modèle déjà décrit. Les appareils qui produisent l'illusion du mouvement à l'aide de figures répétées dans des attitudes diverses, ne donnaient jusqu'à présent que de simples images animées, auxquelles manquait le relief sur le fond, qui restait toujours un simple papier blanc. Dans le praxinoscope-théâtre, au contraire, M. Reynaud a réussi à produire de véritables tableaux avec décors comme sur une petite scène lilliputienne, au milieu de laquelle se détache avec un relief saisissant le sujet animé. Pour parvenir à ce résultat, l'inventeur commence par silhouetter entièrement en noir chacune des poses différentes dont l'ensemble doit former un sujet qui s'animera par la rotation imprimée au praxinoscope. Puis, pour obtenir le décor, il projette sur le fond noir ainsi produit l'image d'un dessin colorié approprié, à l'aide d'une glace sans tain. On connaît la propriété d'un verre ou d'une glace transparente de donner par réflexion une image des objets situés en deçà et de laisser voir en même temps les objets situés au délà. On se rappelle les applications que cet effet d'optique a reçues dans les théâtres et dans les cours de physique sous le nom de spectres impalpables. C'est aussi par réflexion sur une mince glace non étamée que M. Reynaud obtient l'image du décor dans le praxinoscope-théâtre. En réalité, le décor est placé dans le couvercle qui, retenu verticalement par un crochet, forme la paroi antérieure de l'appareil. A cette paroi est aussi pratiquée une ouverture rectangulaire par laquelle le spectateur (regardant des deux yeux à la fois) aperçoit en même temps, et l'image animée du praxinoscope et l'image immobile du décor se réfléchissant sur la glace sans tain. L'inclinaison de celle-ci et sa distance au décor sont telles que cette image est reportée en arrière du sujet animé, lequel, par suite, apparaît avec un relief réel sur le décor. La vision se faisant des deux yeux, rend ce relief très sensible. On comprend que pour changer le décor il suffit de placer successivement dans une coulisse et sur une planchette ad hoc, les chromos représentant des paysages, des monuments, l'intérieur d'un cirque, etc. Il est alors facile de choisir un cadre convenable pour chacun des différents objets animés placés dans le praxinoscope. Par cette heureuse et toute nouvelle combinaison optique, le mécanisme de l'appareil disparaît aux yeux pour ne laisser visible que l'effet produit de personnages animés, exécutant leurs mouvements, prenant leurs ébats au milieu d'un décor changeant à volonté. Le praxinoscope-théâtre, fonctionne aussi bien le soir que le jour. Le jour, il suffit de placer l'appareil devant une fenêtre bien éclairée; le soir, on obtiendra les mêmes effets, avec plus d'éclat peut-être encore, en plaçant simplement sur le bougeoir du praxinoscope une bougie munie d'un petit réflecteur argenté et d'un abat-jour. L'illusion produite par ce jouet scientifique est très complète et très curieuse; on ne saurait trop féliciter M. Reynaud de si bien appliquer ses connaissances de la physique, à la confection d'un instrument qui est tout à la fois un appareil d'optique et un charmant objet de divertissement." (Gaston Tissandier, "Le praxinoscope-théâtre", in La Nature, n°349, 7 février 1880, p. 147-148).



Bibliographie

Gaston Tissandier, "Le praxinoscope", La Nature, Paris, n°296, 1er février 1879, p.133-134.

Madame Burée, "La Bimbeloterie", Etudes sur l'Exposition de 1878, Paris, 1879, tome 7eme, p. 113-115.

Gaston Tissandier, "Le praxinoscope-théâtre", in La Nature, n°349, 7 février 1880, p. 147-148.

Maurice Noverre, La Vérité sur l'invention de la projection animée, Emile Reynaud, sa vie et ses travaux, Brest, Le Nouvel art cinématographique, 1926.

[George Sadoul], Emile Reynaud Peintre de films, Paris, Cinémathèque française, 1945.

Laurent Mannoni, Le grand art de la lumière et de l'ombre - archéologie du cinéma, Paris, Nathan, 1994, p. 341-346.