Catalogue des appareils cinématographiques de la Cinémathèque française et du CNC

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Machine à fumée, soufflerie aérodynamique

N° Inventaire : AP-18-3274

Collection : La Cinémathèque française

Catégorie d'appareil : Visionnement du mouvement

Nom du modèle : Machine à fumée de Marey

Lieu de fabrication : Paris, France

Année de fabrication : 2000

Fiche détaillée

Type de l'appareil

reconstitution de la soufflerie aérodynamique d'Etienne-Jules Marey (1899) : vingt canaux d'émission de fumée aspirée vers le bas par un ventilateur ; forme arrondie pouvant être bougée pour étudier la réaction de la fumée ; chronographe électrique ; dispositif électrique et réservoir de liquide à fumée

Auteurs

Marey Etienne-Jules
Paris

Kossonis Miltiade
Paris

Fabricants

Laurent Albouy
Bois Colombes, 96 avenue Charles de Gaulle 92270

Utilisateurs

Marey Etienne-Jules
Paris

Kossonis Miltiade
Paris

Distributeurs

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Sujet du modèle

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Objectif

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Taille de l'objet

Ouvert :
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Fermé :
Longueur : 50 cm
Largeur : 125 cm
Hauteur : 205 cm

Diamètre :
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Taille de la boîte de transport

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Remarques

Reconstitution, pour l'exposition Etienne-Jules Marey, le mouvement en lumière (Espace Electra, 13 janvier - 16 mars 2000), de la "machine à fumée" de Marey construite originellement en 1899, et dont l'exemplaire original a disparu.

La recherche effectuée par le médecin, physiologiste et biomécanicien Etienne-Jules Marey (1830-1904) des années 1850 à sa mort, se focalise sur un seul mais immense sujet : le mouvement. Mouvement intérieur des corps, mouvement externe des êtres vivants, des objets, des fluides, etc. Son obsession, "voir l'invisible", est assouvie par l'utilisation de la méthode graphique puis de la chronophotographie ; elle l'amène à des frontières où science, art et spectacle se côtoient et se mêlent, engendrant des formes inédites, révélant des mondes jusqu'ici inconnus. Théoricien réputé de la locomotion aérienne depuis les années 1860, Marey revient à la fin de sa vie, entre 1899 et 1901, sur la question de la résistance de l'air. Il construit une première machine, une soufflerie capable de diffuser verticalement une série de vingt canaux de fumée parallèles. Les courants de fumée, dansant en blanc sur fond noir, rencontrent un obstacle : plan incliné, courbe, sphère, rectangle, triangle ou cube, etc. Une deuxième machine à 58 canaux sera construite en 1901. Plus d'une cinquantaine de photographies instantanées sur plaques de verre sont réalisées par Marey pour fixer cet étrange spectacle. Comment fonctionne cette première soufflerie aérodynamique ? La fumée est produite par un fourneau où brûle de l'amadou mêlé à des étoffes de coton. Elle est conduite à une rampe constituée de petits tubes d'émission en plomb, rampe située en haut d'une boîte noire en bois dont la façade est vitrée. Attirés dans la boîte grâce à un ventilateur électrique, les filets de fumée descendent verticalement, "comme les cordes d'une lyre" selon Marey. Ils restent bien distincts sur un parcours de 20 à 30 cm, puis s'étalent en se mêlant à l'air ambiant. On place alors en plein milieu l'obstacle - une mince lame de mica dont on peut varier la forme et les dimensions - et l'on photographie cette scène d'une beauté captivante. Un flash à éclair magnésique est disposé à droite sert à l'éclairage lors de la prise de vues instantanées des filets de fumée. Un système de "trembleur électrique" sert à indiquer la vitesse de l'air : lorsqu'on imprime à la rampe de tubes des mouvements vibratoires répétés dix fois par seconde, toute la série de filets porte des ondes dont l'écartement correspond à l'espace parcouru par l'air en chaque dixième de seconde. Une règle graduée de 20 cm de longueur permet de mesurer l'espace parcouru par ce que Marey appelle les "molécules d'air". Comment réagit l'air à la rencontre d'obstacles de formes différentes ? Comment se comportent les filets d'air contre trois plans voisins et parallèles entre eux, inclinés sous un certain angle ? La question de la résistance de l'air est fondamentale pour les premiers aviateurs. En 1896, Lilienthal a payé de sa vie une mauvaise conception des ailes de son planeur. Dès ses premières photographies de fumée, Marey constate que, si l'on place dans les courants de fumée une forme semblable à celle d'un poisson (tête obtuse, queue effilée), on voit l'intérêt de présenter en premier l'extrémité la plus épaisse, car il y a très peu de remous à l'arrière. Une autre image, où l'obstacle est un plan incliné, confirme que le centre de pression de l'air contre le plan incliné ne coïncide pas avec son centre de surface, mais s'approche d'autant plus de son bord antérieur que l'angle du plan avec la direction de l'air est plus aigu. A plusieurs reprises, Marey ne parle pas "d'instantanés" pour nommer ses photos de fumées, mais de "chronophotographies", alors qu'a priori ce dernier terme a été appliqué jusqu'ici aux études séquencées d'un mouvement. Mais en effet ses clichés du mouvement de l'air contiennent aussi bien la chrono, la photo, que la graphie : chrono, grâce au chronographe électrique qui fait onduler les canaux de fumée ; photo bien sûr, car le procédé exige la lumière (le flash) et l'appareil photographique instantané ; la graphie, parce que les sillons lumineux laissés par les canaux de fumée sur la plaque sensible se lisent et s'analysent comme les graphiques sur le noir de fumée. Marey opère ainsi une sorte de retour - enrichi - à ses racines, et boucle en beauté plus de cinquante années de recherches autour du graphique et de son monde énigmatique en noir et blanc. "Rien n'est plus secret, rien n'est plus lyrique, rien n'est plus explosif, rien n'est plus actuel que le silence de ses noirs et la légèreté de ses blancs", disait Henri Langlois en inaugurant la première exposition sur Marey à la Cinémathèque française en 1963 (Laurent Mannoni)

"Marey présente ses premiers clichés le 16 juillet 1900 à l'Académie des sciences, mais c'est en 1899 qu'il a réellement commencé ses expérimentations avec l'aide d'un de ses mécaniciens, Miltiade Kossonis. Les premières photographies permettent, explique Marey, de mieux connaître l'action de l'aile de l'oiseau sur l'air : "Il était important de faire des expériences montrant la direction que prennent les filets d'air lorsqu'ils rencontrent la surface d'une aile plus ou moins inclinée et présentant une courbure variable. C'est l'objet des présentes expériences" (E.-J. Marey, "Des mouvements de l'air lorsqu'il rencontre des surfaces de différentes formes", Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, t. 131, n° 3, séance du 16 juillet 1900, p. 160). Marey expose ainsi son projet : "Produire dans un espace clos à parois transparentes un courant d'air régulier ; faire arriver dans ce courant des filets de fumée parallèles et équidistants ; placer à la rencontre de ces filets des surfaces de formes diverses, sur lesquelles ils s'infléchissent diversement ; éclairer vivement ces fumées et en photographier instantanément l'apparence, tel était le programme à remplir". [...] En 1900 (E.-J. Marey, "Changements de direction et de vitesse d'un courant d'air qui rencontre des corps de formes diverses", Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, t. 132, séance du 3 juin 1901), Marey indique que la première version de sa machine possède vingt tubes, et la seconde cinquante-huit. Cependant, si l'on examine de près les clichés originaux qui ont été réalisés par Marey entre 1899 et 1902, on constate qu'il existe 1) une machine à rampe de treize tubes placés entre eux d'une façon non équidistantes, 2) une machine à rampe de onze tubes disposés entre eux à des écarts réguliers ; 3) une machine décrite par Marey en 1899, qui contient selon lui vingt tubes, mais qui en réalité en présente vingt et un ; 4) enfin, sur la dernière version de la soufflerie (1900), équipée selon Marey de cinquante-huit tubes, nous n'en comptons que cinquante-sept. Quatre versions donc ; évidemment Marey a transformé au fur et à mesure la première version de sa soufflerie, adaptant les anciens éléments aux nouveaux. [...] A notre connaissance, aucun cliché issu des trois premières machines à fumée ne sera publié par Marey, qui n'est sans doute pas encore tout à fait satisfait de son procédé. Un problème se pose en effet avec le "tube prismatique" qui réunit les canaux d'émission de fumées : il est trop étroit et gêne l'écoulement de l'air lorsque l'obstacle intercalé dans le courant a une certaine étendue. Il faut attendre le 3 juin 1901 pour que le physiologiste montre enfin, dans les Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, une série d'images réalisées avec une autre soufflerie qui cette fois lui a donné satisfaction. Les différents modèles de la soufflerie conçus par Marey entre 1899 et 1901 ont hélas disparu, mais il reste à la Cinémathèque française une photographie originale de la dernière version, la plus élaborée. [...] C'est en 1901 que Marey obtient, grâce au pionnier américain de l'aéronautique Samuel Pierpont Langley, une subvention de la Smithsonian Institution de Washington. Langley est entré en relation avec Marey, en 1895, par l'intermédiaire du photographe Davanne. Langley, secrétaire de la Smithsonian Institution, désirait en effet posséder une caméra chronophotographique. [...] En février 1897, Marey écrit à la Smithsonian pour solliciter de l'aide financière afin de poursuivre ses expériences à la Station physiologique. La réponse de Langley, datée du 5 avril 1897, indique qu'il y a une possibilité de lui accorder une aide de 5000 francs (1000 dollars), à condition que le sujet de la recherche concerne "la nature et propriétés de l'air atmosphérique". Cette aide ne viendra qu'à la fin de l'année 1900, après que Langley et Marey se soient rencontrés à Paris (août) à l'occasion du Congrès international d'aéronautique de l'Exposition universelle. [...] L'apport de la Smithsonian permet donc de fabriquer en 1901 la machine à 57 courants de fumée. [...] Le 3 juin 1901, Marey présente quatre clichés à l'Académie des sciences et donne la description de la nouvelle soufflerie. [...] La Cinémathèque française a réalisé en 1999, cent ans après la première soufflerie de Marey, une reconstitution de celle-ci (à vingt tubes d'émission). La reconstitution a été faite avec le plasticien Laurent Albouy, a l'occasion de l'exposition E.-J. Marey, le mouvement en lumière, à l'Espace Electra de la Fondation Electricité de France. Cette soufflerie fut difficile à reconstituer, car elle devait fonctionner toute la journée, en continu (ce qui n'était évidemment pas prévu à l'origine) ; en outre, le public était invité à manoeuvrer lui-même l'obstacle inséré au milieu des courants de fumée. Enfin, nous voulions lui adjoindre la règle de 20 cm et le procédé de vibrations chronographiques que Marey avait prévus en 1901 pour connaître la durée du mouvement des fumées. Evidemment, il ne s'agissait plus de recourir à de la fumée produite par des morceaux de charbon et de tissu ; un liquide fumigène, utilisé au théâtre, faisait bien mieux l'affaire [...]" (Laurent Mannoni, Mouvements de l'air, Etienne-Jules Marey photographe des fluides, Paris, Gallimard, Réunion des musées nationaux, collection "Art et Artistes", 2004).



Bibliographie

E.-J. Marey, "Des mouvements de l'air lorsqu'il rencontre des surfaces de différentes formes", Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, t. 131, n° 3, séance du 16 juillet 1900, p. 160-163.

E.-J. Marey, "Changements de direction et de vitesse d'un courant d'air qui rencontre des corps de formes diverses", Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, t. 132, séance du 3 juin 1901.

E.-J. Marey, "Les mouvements de l'air étudiés par la chronophotographie", La Nature, n° 1476, 7 septembre 1901, p. 234.

E.-J. Marey, "The History of Chronophotography", Annual Report of the Board of regents of the Smithsonian Institution, Washington, 1902, p. 337-340.

Victor Tatin, Théorie et pratique de l'aviation, Paris, H. Dunod et Pinat, 1910, p. 35-36.

Pierre Noguès, Publications scientifiques et techniques du Ministère de l'Air, Recherches expérimentales de Marey sur le mouvement dans l'air et dans l'eau, Paris, Blondel La Rougery, Gauthier-Villars, 1933.

Georges Didi-Huberman, Laurent Mannoni, Mouvements de l'air, Etienne-Jules Marey photographe des fluides, Paris, Gallimard, Réunion des musées nationaux, collection "Art et Artistes", 2004.