Naked

Naked

Mike Leigh
Grande-Bretagne / 1993 / 126 min

Avec David Thewlis, Greg Crutwell, Lesley Sharp, Katrin Cartlidge.

Johnny doit fuir Manchester après avoir violé une femme. Il se réfugie dans l'Est de Londres, chez son ancienne petite-amie, et entame une longue errance dans les rues de la ville, pleine de sombres rencontres.

Après un premier film, Bleak Moments, en 1971, Mike Leigh passe une quinzaine d'années à réaliser des séries et des téléfilms avant de revenir au cinéma avec High Hopes (1988) et Life is Sweet (1990), comédies dramatiques réalistes qui se concentrent sur une cellule familiale. Naked, comédie grinçante, violente, à l'esthétique réaliste trompeuse, opère un tournant sombre. Le tournage a pour cadre des lieux existants, mais Leigh et son équipe grisent les murs, éliminent les couleurs vives, et au moment du développement de la pellicule évitent le bain de blanchiment afin de donner plus de densité aux noirs. L'atmosphère blafarde qui en résulte fait basculer le film du côté de la métaphore. Naked plonge le spectateur dans une vision cauchemardesque d'une Angleterre exsangue après la décennie thatchérienne, une époque où les rapports humains ne sont plus que brutalité. Loin des nobles personnages de la classe ouvrière de Ken Loach, Johnny, interprété par David Thewlis (récompensé à Cannes en 1993, tout comme Mike Leigh pour son scénario), est un Ulysse, affreux, sale et méchant, qui erre dans Londres. Son pendant, le glaçant Jeremy, à l'autre bout du spectre social, va encore plus loin dans l'abjection, sous le vernis du yuppie. Entre les deux, une série de personnages, des femmes victimes, souvent, mais résilientes et solidaires, et un gardien de nuit. Improvisé en partie, tourné sans autorisation dans les rues de la capitale anglaise, Naked est aussi un film du langage, des accents, chargé d'une parole envahissante contre la frustration d'un monde toujours indifférent et froid.

Wafa Ghermani

Restauration sous la supervision du directeur de la photographie Dick Pope, et approuvée par Mike Leigh, d'après le négatif et la piste magnétique d'origine, prêtés par Channel 4. L'étalonnage des couleurs reproduit le procédé de la copie originale, conservée au BFI.