Jacques Demy

Les Demoiselles de Rochefort

1966

Les Demoiselles de Rochefort (1966), première comédie musicale chantée et dansée de Jacques Demy (1931-1990), est une parenthèse enchantée tournée entre les plus sombres Parapluies de Cherbourg (1963) et Model Shop (1968). Inspiré des musicals hollywoodiens, ce film aux couleurs pétillantes met en scène deux sœurs jumelles, l'une danseuse, l'autre musicienne, incarnées par la blonde Catherine Deneuve (Delphine), déjà présente dans Les Parapluies, et sa sœur à la ville, la rousse Françoise Dorléac (Solange). Deneuve interprétera le double rôle de la fille blonde et de sa mère rousse dans Peau d'Âne (1970) et formera un tandem totalement déluré avec la brune Bernadette Lafont dans Zig Zig (Laszlo Szabo, 1974).

Ici inséparables, la blonde et sa réciproque rousse se complètent. En quête de l'homme idéal et d'une carrière à Paris, leur duo est aussi un hommage aux "Two little girls...", Marilyn Monroe et Jane Russell, des Hommes préfèrent les blondes (Howard Hawks, 1952) (1). Au terme de chassés-croisés, alors que la fête de Rochefort se prépare, les demoiselles finiront, comme tous les personnages, par trouver leur alter ego ; un célèbre compositeur américain (Gene Kelly) pour Solange et un peintre marin (Jacques Perrin, blond pour l'occasion) pour Delphine.

Rendez-vous manqués et croisements s'orchestrent autour du café, tenu par la mère des jumelles, ou de l'école, où les deux sœurs doivent tour à tour aller chercher Boubou, le petit frère (2) né d'un second amour. Tout va par paire dans ce film construit sous le signe du double, où les jumelles rythment les séquences avec une symétrie parfaite. Si dans les scènes communes l'une commence et l'autre finit, les scènes où elles sont séparées riment aussi. Ainsi, celles de la sortie des classes, à midi avec Delphine puis à seize heures avec Solange, se répondent. Les sœurs y rencontrent les deux forains tandis que dialogues et composition des plans se font écho. À l'issue de ces deux séquences en miroir, chacune tombe sur son idéal masculin.

(1) La référence au film de Hawks, dont le récit s'achève par un double mariage, est à son apogée avec le numéro des jumelles pour le spectacle de la kermesse.

(2) Demy a songé pendant un temps à appeler son film du nom de l'enfant.

Zig Zig (Laszlo Szabo)
René Ferracci - Zig Zig (Laszlo Szabo) - 1974
Les Demoiselles de Rochefort
Jacques Demy - Les Demoiselles de Rochefort - 1966
Les Demoiselles de Rochefort
Jacques Demy - Les Demoiselles de Rochefort - 1966
Recto verso
Et si les hommes préféraient les blondes ?
Sensualité des rousses et des blondes