lu par Pierre Brasseur, 1954
"Un hémisphère dans une chevelure" est un poème en prose de Charles Baudelaire (1821-1857) extrait du recueil intitulé Le Spleen de Paris (publié à titre posthume en 1869). Il fait écho à "La Chevelure", poème en vers tiré des Fleurs du Mal (1857). Dans "Un hémisphère dans une chevelure", le motif de la chevelure fournit le point de départ d'une réflexion sur l'amour, le voyage et le souvenir.
"Laisse-moi respirer longtemps, longtemps, l'odeur de tes cheveux, y plonger tout mon visage comme un homme altéré dans l'eau d'une source, et les agiter dans l'air comme un mouchoir odorant, pour secouer des souvenirs dans l'air."(1)
Chantée par du Bellay, Mallarmé ou Apollinaire, la chevelure est, sous la plume de Charles Baudelaire, la parure des femmes vénéneuses ou sacrées qui hantent ses poèmes. S'adressant à sa maîtresse Jeanne Duval, surnommée la "Vénus noire", l'auteur loue ici les charmes des tresses d'ébène dont il ne peut se détacher. Luxuriante et lascive, la chevelure ondoyante est telle une source, une mer, un océan où l'homme se plonge avec délice. Il se laisse alors bercer langoureusement par une série d'images et de sensations qui sont autant d'invitations au voyage amoureux. Devenue monde, la toison de l'amante ouvre sur des paysages lointains jadis visités. À son contact, Baudelaire égrène les souvenirs qui, comme dans un rêve, s'animent en tableaux harmonieux où règne la volupté. Les lourds parfums exotiques que les cheveux exhalent éveillent tous les sens et mènent à l'ivresse. La chevelure liquide et noire se change en ardent foyer qui invite aux caresses comme aux baisers. Métonymie de la femme aimée, la chevelure est pour Baudelaire une source intarissable de plaisir et de nostalgie, véritable fétiche qu'il agite au gré de sa rêverie.
(1) Charles Baudelaire, "Un hémisphère dans une chevelure", in Le Spleen de Paris, Gallimard, 2010.
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