Édouard Boubat

Lella (assise dans l'herbe)

photographie, 1946, Galerie Agathe Gaillard, Paris

C'est en 1946 qu'Édouard Boubat (1923-1999) s'initie à la photographie et rencontre Lella, muse à la chevelure dénouée qui deviendra sa première épouse (1). L'œuvre de Boubat, témoignage sur la France d'après-guerre, est souvent qualifiée d'"humaniste". S'il a sillonné Paris, saisissant émerveillé des images d'enfants ou de couples, il parcourt aussi le monde et réalise entre 1951 et 1967 des photoreportages sur des sujets d'actualité pour la revue Réalités. Boubat, "photographe féminin" selon les mots de Bernard Plossu, n'a surtout cessé de capturer la beauté des femmes, ses modèles favoris, qu'il photographie avec pudeur et sincérité.

De Man Ray à Willy Ronis, la chambre noire a souvent révélé les attraits de la chevelure féminine. Au fil de son œuvre, Boubat explore ce motif plastique et poétique qu'il exalte avec légèreté dans ce cliché en noir et blanc de Lella assise dans l'herbe. Sa chevelure soulevée par le vent passe comme un voile devant son visage et, au centre de la composition, attire irrésistiblement le regard. La cascade de mèches folles cache et devient l'objet du désir. Dissimulée sous l'épais rideau de cheveux, la Muse n'en est que plus attirante. Une certaine étrangeté se dégage alors, proche de photographies ou de peintures surréalistes où la toison, véritable fétiche, devient parfois un masque. Mais ici, la douce lumière qui baigne la scène et le souffle qui fait flotter les cheveux du modèle sont la promesse d'un dévoilement prochain.

Boubat capture le moment furtif où la longue chevelure s'envole librement et sensuellement tandis que Lella, sage dans sa robe blanche, reste paisible. L'œil amoureux du photographe saisit et immortalise cet érotisme de l'instant où la nature se fait tout à coup complice du désir. Dans un écrin de végétation, comme dans une toile de Renoir, l'air et la lumière sculptent la matière presque abstraite des boucles soyeuses de la jeune femme. Sous le soleil, ses cheveux se parent de clairs reflets et invitent à la caresse que seul le vent se permet... Dans l'intimité de cet instantané, Boubat embrasse du regard sa bien-aimée, dont la chevelure décoiffée révèle une nature sensuelle et sauvage, voire indomptable, que Brigitte Bardot incarnera ouvertement quelques années plus tard.

(1) En 1947, un portrait de Lella, sa longue chevelure ondulée offerte au vent sur un bateau au large de l'île de Groix, vaut à Boubat le premier prix au 2e Salon national de la photographie. Une exposition ("Lella", à la Maison européenne de la photographie en 1999) et des ouvrages seront consacrés aux portraits de Lella.

Sans titre (Paravent)
Édouard Boubat - Sans titre (Paravent) - 1976
Le Pan de nuit
René Magritte - Le Pan de nuit - 1965
Brigitte Bardot sur le tournage de "Et Dieu créa la femme" (Roger Vadim)
Brigitte Bardot sur le tournage de "Et Dieu créa la femme" (Roger Vadim) - 1956
Photographe de la chevelure