Mélodrames mexicains

Du 13 avril au 30 mai 2011

Le Mexique est l’un des pays les plus importants d’Amérique latine en termes de production cinématographique. Entre la seconde moitié des années trente et le milieu des années cinquante, le développement d’un système de studios dont le fonctionnement ressemblait à celui de leur modèle hollywoodien a permis l’épanouissement de genres cinématographiques et d’un star system spécifiquement mexicains (María Félix, Dolores del Río, Pedro Infante), en phase avec leur public. Le cinéma mexicain a ainsi largement participé à l’élaboration d’un imaginaire national partagé par un public de plus en plus nombreux se reconnaissant dans les histoires, situations et personnages proches de leurs préoccupations et des bouleversements que connaissait la société à la faveur de l’industrialisation et de l’urbanisation.

Le mélodrame a de ce point de vue joué un rôle fondamental. Matrice narrative fondée sur la mise en œuvre de sentiments exacerbés tant chez les personnages que chez les spectateurs, aux multiples péripéties et aux rebondissements haletants, il parvient à marquer de son empreinte presque toute la production mexicaine de l’époque classique. D’où la volonté, dans cette rétrospective, de rendre compte de toute sa richesse et sa diversité, en donnant à voir des œuvres qui attestent la vigueur d’un genre susceptible de s’actualiser sous de multiples formes.

Des cabarets au monde rural mexicain

La programmation permettra aux spectateurs d’apprécier, au gré de leurs goûts et surtout de leur curiosité, des films s’inscrivant dans les modulations génériques majeures de ces « mélodrames mexicains » : le mélodrame de cabaret, qui inaugure le cinéma de fiction parlant avec le long métrage Santa (1931), le premier d’une longue série à offrir au public le récit du triomphe, de la décadence et de la rédemption éventuelle d’une jeune provinciale qui atterrit dans un lupanar de Mexico. Ces films mettent en place des intrigues moralisatrices, situées dans les bas-fonds de l’espace urbain filmés dans une esthétique qui n’est pas sans rappeler le Film Noir. Mais ils fournissent en même temps l’occasion de mettre en scène des actrices très populaires du cinéma mexicain des années quarante : les rumberas (danseuses de rumba), dont les numéros chorégraphiés sur des rythmes importés de Cuba constituent sans aucun doute le point culminant des films. François Truffaut, alors jeune critique aux Cahiers du cinéma, n’avait d’ailleurs pas manqué de célébrer le charme sensuel d’une de ces actrices, Ninón Sevilla, qui joue notamment dans Aventurera (1949) et Sensualidad (1951).

Autre pan important de cette production mélodramatique, les films consacrés au monde indigène, associés à un metteur en scène emblématique : Emilio Fernández (La Perla, 1945, Pueblerina, 1948). Son film Maria Candelaria (1943) est d’une très grande beauté plastique, qui doit beaucoup au travail du directeur de la photographie Gabriel Figueroa. Il a d’ailleurs été primé lors de la première édition du festival de Cannes en 1946. Les films de Fernandez portent sur les Indiens du Mexique un regard qui, s’il est loin d’être réaliste, a contribué à forger un imaginaire sur le monde rural mexicain qui s’est diffusé bien au-delà des frontières nationales. Enfin, il fait également la part belle à une forme plus sociale du mélodrame mexicain, mettant en avant le metteur en scène Roberto Gavaldón, mais aussi des œuvres et cinéastes moins connus comme Joselito Rodriguez avec ses deux versions de Angelitos negros (1948 et 1970).

Entre parodie et vigueur narrative

La période couverte par les films présentés dans ce cycle s’étend de 1931 à 1991. Si la plupart des films proposés au public datent des années quarante et cinquante, à une époque où le genre mélodramatique est à l’apogée de son succès populaire, il convient de souligner qu’il est rapidement devenu l’objet de traitements plus ou moins parodiques. C’est dans cette perspective que l’on peut envisager les films de Luis Buñuel (Susana, 1951, El, 1953), dont la production mexicaine reste relativement méconnue. Par ailleurs, la présence de films tournés à partir des années soixante, alors que l’esthétique du cinéma de studio est en crise, permet de montrer comment le mélodrame, genre si intimement associé aux codes du cinéma classique, possède une vigueur narrative à même de lui permettre d’être réinvesti par des cinéastes dont l’œuvre est pour le moins originale. Dans cette optique, La Mujer del puerto (1991) d’Arturo Ripstein est un magnifique remake d’un film tourné en 1933 : les deux versions de ce saisissant récit, inspiré de la nouvelle de Guy de Maupassant, Le Port, mettent en évidence la vitalité générique du mélodrame, qui a su traverser les époques et les esthétiques pour continuer, jusqu’à l’époque contemporaine, d’offrir à ses spectateurs des histoires palpitantes. C’est à cette expérience de l’émotion sur grand écran que convie cette rétrospective. Gageons qu’elle donnera l’occasion de voir et de revoir des œuvres qui, dans toute la variété de leurs orientations esthétiques, sont autant d’occasions de laisser libre cours à un imaginaire formidablement débridé.

Julie Amiot-Guillouet

Les films

Santa
Antonio (realisateur années 30) Moreno , 1931
Je 14 avr 19h30   GF Me 11 mai 21h30   GF

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