Georges Rouquier

Du 18 au 30 novembre 2009

Le cinéaste de la proximité

Né en 1909, Georges Rouquier aurait cent ans. Disparu en 1989, auteur d'une poignée de longs métrages parmi lesquels Farrebique et Biquefarre, il s'est affirmé comme un précurseur du cinéma direct. Cette rétrospective dans le cadre du Mois du film documentaire est l'occasion de revisiter son œuvre intégrale.

Au début de Lettre de Sibérie de Chris Marker, la voix profonde de Georges Rouquier énonce : « Je vous écris d'un pays lointain. » Rien n'était plus paradoxal que ces mots dans la bouche de celui qui fut, par excellence, le cinéaste de la proximité. Qu'il s'agisse d'un charron ou d'un pèlerin de Lourdes, d'un manadier de Camargue ou d'un fermier aveyronnais, d'Arthur Honegger ou d'un maréchal-ferrant, Rouquier ne fait jamais un film sur, mais avec quelqu'un.

Cette proximité, qu'on peut appeler connivence ou empathie, passe par la chaleur singulière du timbre de sa voix, qui accompagne son œuvre dite « documentaire », depuis Le Tonnelier jusqu'au Maréchal-ferrant. Une proximité qui n'est pas seulement off. Présence d'abord discrète, dans Le Sel de la terre, en journaliste enquêtant sur l'assainissement de la Camargue ; puis synchrone, comme interlocuteur d'Arthur Honegger ; et dans Lourdes et ses miracles, où Rouquier joue le rôle d'un véritable enquêteur.

« Farrebique » ou le blason de Rouquier

Le n° 446 de Je me souviens de Georges Perec annonce : « Je me souviens de Farrebique. » L'écrivain avait dix ans lorsque le film, d'abord refusé puis présenté hors compétition au premier festival de Cannes en 1946, y reçut le Prix de la critique internationale, prélude à une tempête que d'aucuns qualifièrent de « nouvelle bataille d'Hernani ». « C'est toi, Rouquier ? T'as fait un chef-d'œuvre ! », lui lance Jacques Prévert en sortant d'une projection, tandis qu'Henri Jeanson éructe : « Démagogie et bouse de vache… Sous prétexte de réalisme, M. Rouquier exhibe une troupe paysanne dans de lamentables exercices de photogénisse… Des critiques décrétèrent que le cinéma pur, c'est ça : de la crotte de Farrebique. » Marcel Carné estime que « Farrebique rend aujourd'hui le même son neuf que rendaient à leur apparition Zéro de conduite et L'Atalante. » Pour Jacques Becker, « le véritable film d'avant-garde de ces dernières années n'est pas Citizen Kane, c'est Farrebique. »

D'avant-garde, Farrebique l'était à plusieurs niveaux. Avant même que Le Silence de la mer (1947) n'apparaisse comme le film-pionnier d'une production hors normes, Rouquier tournait avec une équipe de quatre personnes la vie quotidienne d'une famille de paysans. Commencé en même temps que Rome, ville ouverte, Farrebique, deux ans avant La Terre tremble, ouvre la perspective d'un néo-réalisme français et apparaît comme prémonitoire du « cinéma-vérité » qu'illustreront des cinéastes canadiens comme Michel Brault et Pierre Perrault, pour qui Farrebique demeurera un modèle.

En dépit du succès de Farrebique, Rouquier devra attendre six ans (1953) avant de pouvoir tourner un deuxième long métrage, Sang et lumières, coproduction franco-espagnole qui lui convenait peu : son habituelle connivence avec des acteurs non professionnels le prédisposait mal à se mesurer avec des vedettes comme Zsa Zsa Gabor et Daniel Gélin, sur des dialogues de Michel Audiard. Pourtant, avec l'admirable et méconnu S.O.S. Noronha, il prouvera sa faculté à tirer d'une « star » le meilleur d'elle-même, en l'occurrence Jean Marais.

Deux autres œuvres-clé

Entre ces deux longs métrages, deux œuvres-clé de la « méthode Rouquier » : Arthur Honegger (1954-55) et Lourdes et ses miracles (1955). Quand il rencontre Arthur Honegger, le 1er juillet 1954, le compositeur lutte depuis plusieurs années contre la maladie. Un an plus tard, le tournage se déroulera dans son atelier du boulevard de Clichy, quatre mois avant son décès. On ne peut qu'admirer avec quel tact, quelle délicatesse, Rouquier mène cet entretien avec un artiste au seuil de la mort, sans jamais dévier de son principe de mise en scène : « Au cinéma on ne surprend pas la vérité, on la recrée. » Avec Lourdes et ses miracles, Rouquier relève le défi de montrer sans parti pris un phénomène socio-religieux d'envergure mondiale, de démêler l'écheveau de l'aveuglement et de la foi, du commerce et de la crédulité, de l'espoir et du scepticisme. Il n'élude rien : le labeur exténuant des brancardiers comme l'étalage des bondieuseries, l'effrayante noria des corps plongés dans les piscines comme le défilé des civières, la prospérité hôtelière et les interminables processions avec leurs chapelets de cantiques.

Si, en digne héritier du muet, son langage est d'abord de construction d'images (« Chaque image est un mot »), le son revêt chez lui une importance majeure. « La ligne sonore d'un film, c'est une sorte d'harmonie », m'avait-il dit. Le deuxième volet de Lourdes, « Pèlerinage » (40 minutes sans un mot de commentaire), en est une éclatante démonstration, avec son orchestration de l'enchaînement obsessionnel des cantiques et litanies, graduée par les Ave Maria du carillon de la basilique.

En 1950, au moment de l'apparition de la bande magnétique, Rouquier avait déjà offert un superbe exemple de montage orchestral avec l'ouverture en sons naturels du Sel de la terre, évident hommage au Louisiana Story de son maître Flaherty. Huit minutes (un tiers du film) de cris d'oiseaux, galops de chevaux et taureaux, appels de manadiers, bruits d'eau et sifflements de vent, avant d'entendre le raclement d'une pelleteuse qui va amorcer le propos « commandité » (le réaménagement de la Camargue) et introduire la symphonie mécanique.

François Porcile

Les films

Les Crimes de l'amour : Mina de Vanghel
Maurice Barry, Maurice Clavel , 1952
Georges Rouquier ou la belle ouvrage
Jean Arlaud, Philippe Haudiquet , 1993
Di 29 nov 17h00   GF
Pitchi-poï ou la parole donnée
Jacques Krier, Guy Casaril, Roger Buckhardt, [etc.] , 1967
Di 29 nov 19h30   GF
Programme de courts métrages 1 : Les artisans
Le Tonnelier
Georges Rouquier , 1941
Le Charron
Georges Rouquier , 1943
Le Chaudronnier
Georges Rouquier , 1949
Le Maréchal-ferrant
Georges Rouquier , 1976
Je 19 nov 19h00   GF
Programme de courts métrages 10 : Films pour l'Éducation nationale
La Loi de Joule : Première partie
Georges Rouquier , 1964
Mesure des masses volumiques
Georges Rouquier , 1964
Qualités de la balance
Georges Rouquier , 1964
Usage de la balance
Georges Rouquier , 1964
Lu 30 nov 17h30   JE
Programme de courts métrages 11 : Films de commande
L'Économie des métaux
Georges Rouquier , 1943
Un jour comme les autres
Georges Rouquier , 1952
Une belle peur
Georges Rouquier , 1958
Le Bouclier
Georges Rouquier , 1960
Sa 21 nov 21h45   GF
Programme de courts métrages 12 : Films de commande
La Part de l'enfant
Georges Rouquier , 1943
Le Lycée sur la colline
Georges Rouquier , 1952
Le Musée
Pierre Carpentier , 1966
L'Ouvrier
Georges Rouquier , 1965
Ve 27 nov 14h30   GF
Programme de courts métrages 13 : Georges Rouquier narrateur
Élie Faure ou l'esprit des formes
François Porcile , 1974
Je 26 nov 19h00   GF
Programme de courts métrages 14 : Portraits de Georges Rouquier
Georges Rouquier ou la belle ouvrage
Jean Arlaud, Philippe Haudiquet , 1993
Ve 27 nov 20h30   JE
Programme de courts métrages 2 : Portraits
L'Œuvre scientifique de Pasteur
Georges Rouquier, Jean Painlevé , 1947
Arthur Honegger
Georges Rouquier , 1954
Ve 20 nov 19h00   GF
Programme de courts métrages 3 : La nature et ses éléments
Le Sel de la terre
Georges Rouquier , 1950
Malgovert
Georges Rouquier , 1954
Synthèse de l'eau
Georges Rouquier , 1964
La Bête noire
Georges Rouquier , 1955
Le Canal de Panama
Georges Rouquier , 1956
Sa 21 nov 19h30   GF
Programme de courts métrages 4 : En France avec...
Le Chantier
Georges Rouquier , 1967
Les Chevaux
Georges Rouquier , 1967
L'Écluse
Georges Rouquier , 1967
La Journaliste
Georges Rouquier , 1967
Le Restaurant
Georges Rouquier , 1967
Le Théâtre des jeunes
Georges Rouquier , 1967
Nicolas va à la pêche
Georges Rouquier , 1966
Lu 23 nov 14h30   HL
Programme de courts métrages 5 : Leçons de cinéma par Georges Rouquier
Di 22 nov 17h00   GF
Programme de courts métrages 6 : Émission Des saisons et des jours
Les Goémoniers
Georges Rouquier , 1974
Ardoisiers des monts d'Arrée
Georges Rouquier , 1974
La Falipe
Georges Rouquier , 1974
Lu 23 nov 20h30   JE
Programme de courts métrages 7 : Films canadiens
Le Notaire de Trois-Pistoles
Georges Rouquier , 1959
Sire, le roy n'a plus rien dit
Georges Rouquier , 1964
Me 25 nov 19h00   GF
Programme de courts métrages 8 : Films pour l'Éducation nationale
Les Charbons
Georges Rouquier , 1964
Distillation de la houille
Georges Rouquier , 1964
Les Calcaires : Le gaz carbonique
Georges Rouquier , 1966
L'Air
Georges Rouquier , 1964
L'Oxygène
Georges Rouquier , 1964
Ve 20 nov 14h30   JE
Programme de courts métrages 9 : Films pour l'Éducation nationale
Combustion : Première partie
Georges Rouquier , 1964
Combustion : Deuxième partie
Georges Rouquier , 1964
Intensité d'un courant
Georges Rouquier , 1964
Ve 20 nov 21h30   JE